En France, l’été 2022 restera inédit sur le front des incendies. En effet, le pays est désormais confronté au phénomène des mégafeux. Mais aussi à la multiplication du nombre des incendies et à leur précocité, liées au changement climatique. Les pompiers français et les autorités cherchent de nouvelles solutions opérationnelles. Il s’agit de s’adapter techniquement pour être plus efficaces, mais aussi de mettre les moyens financiers et humains pour faire face à cette nouvelle guerre du feu.

Ce fut longtemps le triste apanage des États-Unis, de l’Australie, mais aussi des vastes étendues de Sibérie. Les mégafeux représentent 3 % des incendies, mais sont responsables de plus de 50 % des surfaces brûlées de la planète.

Depuis cet été 2022, la France connaît le phénomène des mégafeux, qui pourraient se multiplier sur son territoire dans les années à venir. L’incendie qui a ravagé plus de 21 000 hectares de végétation en Gironde, en juillet 2022, répond en effet à plusieurs des caractéristiques retenues pour qualifier de tels événements.

Qu’est-ce qu’un mégafeu ? 

En Europe, on peut parler de mégafeu à partir d’un millier d’hectares brûlés sur un même site, ou de 5 000 hectares dans la région méditerranéenne. Il doit cependant répondre à plusieurs critères. Un mégafeu est plus extrême en termes de taille, de gravité, de complexité et de résistance à l’extinction. En l’absence de définition scientifique, les autorités retiennent :

  • La vitesse et l’intensité de la propagation,
  • La zone où ils sévissent, par exemple dans des milieux inhabituels,
  • Les dégâts exceptionnels,
  • Les surfaces touchées,
  • Les conséquences sur la vie économique et sociale (des populations évacuées, des routes fermées, des entreprises détruites, etc.). 

Selon 50 expertes et experts, auteurs d’un rapport pour le Programme des Nations unies pour l’Environnement de février 2022, les mégafeux devraient augmenter entre 9 et 14 % d’ici 2030, et d’environ 30 % d’ici à 2050. Et le phénomène est étroitement lié au réchauffement climatique.

D’après Jean Jouzel, climatologue et ancien vice-président du GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) : « En France, les régions à risque sont le Sud-Est et le Sud-Ouest. Le centre et l’ouest de la France vont devenir à risque. On voit bien que les surfaces vulnérables augmentent ». 

Pour les pompiers, la donne a déjà changé

De sombres prédictions qui invitent les sapeurs-pompiers, la sécurité civile et les autorités à s’organiser pour prendre en compte ce nouveau risque de mégafeu. Mais il n’est pas le seul. Ainsi, pour les soldats du feu, des modifications de leur activité sont déjà bien palpables : le nombre d’incendies se multiplie. Ils sont d’ores et déjà de plus en plus sollicités.

En effet, les incendies n’avaient pas été aussi destructeurs depuis 16 ans dans l’Hexagone. Selon le Système européen d’information sur les feux de forêt (EFFIS), au 30 juillet 2022, près de 46 000 hectares de végétation étaient partis en fumée en France. Ce bilan est supérieur au record de la période 2006-2022, qui était d’environ 43 500 hectares.

De plus, certaines zones  connaissent le risque de feu de forêt, alors qu’elles étaient épargnées jusque-là. En effet, ces zones subissent maintenant la sécheresse et l’augmentation des températures. C’est par exemple le cas de la Bretagne et du Jura, qui ont connu des incendies cet été. Les pompiers d’Île-de-France, de Normandie et des Vosges s’y préparent également. Interrogé par le Télégramme de Brest le 18 juillet 2022, Louis-Marie Daoudal, directeur adjoint du service départemental d’incendie et de secours d’Ille-et-Vilaine (SDIS 35) l’assure : « Nous serons amenés à renforcer les moyens de lutte contre les feux de forêt ». Tous ne sont et ne seront pas des mégafeux, mais ils modifient la donne pour les pompiers.

Équipements et formations spécifiques

Par exemple, certains SDIS (services départementaux d’incendie et de secours) du nord de la Loire se dotent de matériels qu’ils n’utilisaient pas jusqu’alors. Il s’agit de citernes d’eau et de véhicules de lutte de fortes capacités, de drones de surveillance, de caméras thermiques pour détecter les points chauds des incendies.

Autre symbole fort du changement : l’expansion des moyens aériens sur le territoire. 

« Jusqu’en 2019, il n’y avait de pélicandromes (sites de ravitaillement des Canadair et avions bombardiers d’eau et de produits retardants, NDLR) qu’au sud de la Loire, depuis on en installe au nord », expliquait le 24 juillet 2022 à BFM-TV Alexandre Jouassard, porte-parole de la sécurité civile. Ainsi, un lac d’Épinal (dans les Vosges) devrait devenir un site d’écopage pour les Canadair.

Par ailleurs, en dehors de l’arc méditerranéen, les combattantes et combattants du feu sont de plus en plus formés. Par exemple, en Meurthe-et-Moselle, 240 sapeurs-pompiers (sur un effectif total de 2 500) sont ainsi spécialisés sur cette nouvelle problématique des feux de forêt. Une spécialisation utile dans le futur dans leur propre département, mais aussi pour intervenir en renfort dans d’autres. 

On ne peut plus parler de saison des feux ! C’est désormais l’ensemble du territoire métropolitain qui est concerné, du 1er janvier au 31 décembre, jusqu’à l’Alsace ou la Franche-Comté.

Grégory Allione, président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France

Vers davantage de moyens pour les pompiers ? 

La multiplication probable du phénomène des mégafeux en France, comme celle des feux plus « classiques » sur l’ensemble des territoires, incite les pompiers à demander des moyens techniques et humains supplémentaires. 

Le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers de France, Grégory Allione (également directeur du SDIS des Bouches-du-Rhône), a tiré la sonnette d’alarme le 14 juillet 2022. «Il va falloir s’équiper encore plus, a-t-il estimé dans un entretien à l’AFP (Agence France-Presse). On ne peut plus parler de saison des feux ! C’est désormais l’ensemble du territoire métropolitain qui est concerné, du 1er janvier au 31 décembre, jusqu’à l’Alsace ou la Franche-Comté.»

Grégory Allione a également insisté sur le nécessaire recrutement de pompiers volontaires. Elles et ils sont 198 000 aujourd’hui, l’objectif est d’atteindre 250 000 d’ici 2027. Selon lui, il conviendrait également d’augmenter les moyens aériens et d’améliorer la prévention. Rappelons, en effet, que l’immense majorité des feux de forêt sont d’origine humaine. Une partie de la solution passe également par un aménagement des espaces forestiers, et des campagnes plus soutenues de débroussaillement. 

La Première ministre, Élisabeth Borne, en déplacement en Gironde le 11 août, a assuré que le gouvernement allait travailler sur le renforcement des moyens de la sécurité civile, « notamment dans la loi de programmation que le ministre de l’Intérieur présentera à la rentrée, avec une planification sur le quinquennat des renforts à donner à notre sécurité civile ».

Dans la foulée, plusieurs élus ont lancé, le 23 août, une mission flash retour d’expérience faisant suite aux gros feux de forêts qui ont touché la France tout au long de l’été.

L’objectif ? Analyser les besoins des sapeurs-pompiers pour faire face à ces mégafeux en particulier, et à l’extension des menaces en général. À suivre.

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