L’explosion des fraudes documentaires à l’ère du numérique constitue une préoccupation grandissante pour les organisations. Usurpation d’identité, faux justificatifs, documents falsifiés : la fraude ne touche plus seulement les particuliers, mais s’attaque désormais directement aux entreprises. Selon les dernières études, la falsification de documents numériques a connu une hausse vertigineuse de 244 % entre 2023 et 2024. Une véritable industrialisation. Face à cette menace en constante évolution, les entreprises doivent comprendre les différentes formes que peut prendre la fraude documentaire, mesurer ses impacts potentiellement dévastateurs et mettre en place des solutions concrètes pour s’en prémunir. Définir la fraude documentaire : de quoi parle-t-on ? La fraude documentaire désigne l’utilisation malveillante de documents falsifiés, contrefaits ou volés dans le but de tromper une organisation. Un phénomène qui s’articule principalement autour de deux principales catégories de contrefaçons : Les faux documents : il s’agit de documents entièrement créés de toutes pièces pour ressembler à des documents officiels. Ces contrefaçons sont conçues pour imiter parfaitement l’apparence des documents authentiques, avec logos, en-têtes et mises en page identiques aux originaux. Les documents falsifiés : ici, il s’agit de documents authentiques qui ont été modifiés pour altérer certaines informations. Montants sur une facture, dates sur un justificatif de domicile, noms sur un diplôme… La fraude documentaire peut prendre de nombreuses formes dans le contexte professionnel : Faux RIB utilisés pour détourner des paiements vers des comptes frauduleux, Fausses pièces d’identité pour accéder à des sites sécurisés, Faux bons de commande permettant d’acquérir des biens ou services, CV falsifiés présentant des compétences ou des expériences inexistantes, Documents d’accès falsifiés pour pénétrer dans des zones restreintes… Entre 2023 et 2024, la falsification de documents numériques aurait connu une hausse vertigineuse de 244 %. Observatoire Tessi Pourquoi la menace s’intensifie en 2025 ? Dans un contexte marqué par la dématérialisation croissante des échanges et de l’évolution rapide des technologies, les vecteurs de fraude documentaire se multiplient et se complexifient. Ce phénomène n’est plus marginal ni artisanal : il s’inscrit dans une dynamique industrielle, alimentée par des outils toujours plus accessibles. De plus, plusieurs facteurs structurels et conjoncturels contribuent aujourd’hui à faire de la fraude documentaire une menace majeure pour les entreprises. Une digitalisation massive des procédures La transformation numérique des entreprises s’est considérablement accélérée ces dernières années. Les processus RH, les systèmes d’achats, les procédures d’accès client/sous-traitants sont désormais majoritairement dématérialisés… Cette digitalisation, si elle apporte efficacité et rapidité, réduit également le contrôle humain direct, et offre des opportunités aux fraudeurs qui doivent désormais tromper des machines, et non plus des individus consciencieux pour parvenir à leurs fins. Un accès facilité à des outils de falsification en ligne L’émergence et la démocratisation de l’IA générative ont radicalement transformé le paysage de la fraude documentaire. Les deepfakes, capables de générer des visages totalement réalistes, peuvent désormais être couplés à des documents d’identité falsifiés. Selon le rapport Entrust 2025 sur la fraude identitaire, les attaques par deepfake se produisent désormais toutes les cinq minutes à l’échelle mondiale. Une délocalisation des processus L’adoption massive du travail à distance et des procédures dématérialisées a fondamentalement changé la façon dont les entreprises interagissent avec leurs partenaires, leurs clients et leurs employés. L’onboarding à distance est devenu la norme, et les signatures numériques se sont généralisées, rendant plus difficile la vérification de l’authenticité des documents. Un contexte géopolitique et économique sous tension Les tensions internationales, l’inflation persistante et l’instabilité économique créent un terreau favorable à l’augmentation des tentatives de fraude. La cybercriminalité, en hausse constante depuis plusieurs années, s’oriente de plus en plus vers des attaques ciblées exploitant les documents falsifiés comme porte d’entrée dans l’écosystème des organisations. Fraude documentaire : quelles conséquences pour les entreprises ? La fraude documentaire est protéiforme : ses conséquences potentielles pour les entreprises le sont également. En effet, une fraude réussie peut engendrer bien des conséquences pour l’entreprise qui en est victime. Risque financier : la fraude au faux fournisseur ou au virement frauduleux peut entraîner des pertes financières considérables, allant de quelques milliers d’euros à des sommes à sept chiffres pour les grandes entreprises. Risque de sécurité : l’infiltration sur site via une fausse identité ou un badge falsifié représente un danger considérable pour les infrastructures critiques et les sites sensibles. Un individu malveillant peut ainsi accéder à des zones restreintes pour y dérober des informations confidentielles ou saboter des équipements. De même, une telle infiltration peut représenter un réel risque sécuritaire pour les salariés de l’entreprise concernée. Risque juridique : en cas d’incident majeur mettant en danger la sécurité des membres de l’entreprise, la responsabilité de l’organisation peut être engagée et les conséquences juridiques peuvent être sévères, allant de lourdes amendes à des poursuites pénales pour négligence. Risque réputationnel : une entreprise victime d’une fraude documentaire significative voit souvent son image ternie, avec des conséquences durables sur ses relations commerciales. Comment se protéger efficacement ? Face à l’ampleur croissante du phénomène, les entreprises ne peuvent plus se contenter de mesures ponctuelles ou réactives. La lutte contre la fraude documentaire doit désormais s’inscrire dans une stratégie globale, combinant prévention, détection et réévaluation continue des risques. Comment lutter efficacement contre la fraude documentaire ? En savoir plus Sécurité en entreprise : pourquoi et comment hiérarchiser les risques En savoir plus Sécurité en entreprise : pourquoi et comment hiérarchiser les risques Évaluer les points de vulnérabilité documentaire La première étape consiste à réaliser un audit interne des processus RH, achats, sécurité, etc. pour identifier les étapes où les documents sont fournis sans vérification fiable. Cette cartographie des risques permet de concentrer les efforts de sécurisation sur les points les plus vulnérables. Sensibiliser et former les équipes Former les collaborateurs à détecter les fraudes et à y réagir devient indispensable au vu de l’ampleur que tend à prendre le phénomène. Savoir qu’il existe n’est plus suffisant : il faut que les responsables sécurité des organisations soient en mesure d’y répondre avec un maximum d’efficacité. Divers instituts proposent des modules de formation spécifiquement dédiés à la lutte contre la fraude. C’est par exemple le cas de l’École Supérieure de la Sûreté des Entreprises, qui propose notamment des parcours centrés sur le management du risque de fraude et de corruption ou encore sur l’analyse de données pour l’investigation. S’appuyer sur des outils de détection renforcée Les technologies facilitant les possibilités de fraude documentaire ne sont pas les seules à se développer. Celles permettant de s’y opposer sont également en évolution continue. Ainsi, pour se protéger, une entreprise peut s’appuyer sur : Des outils d’analyse automatique de documents (OCR, détection d’anomalies graphiques), Des méthodes de vérification des métadonnées et d’analyses EXIF (Exchangeable Image File Format) pour détecter les manipulations d’image, Des solutions d’authentification renforcée (signature électronique qualifiée), Des technologies de vérification biométrique combinées à la détection de vivacité… Vers une reconnaissance accrue du risque documentaire Le risque documentaire est encore sous-estimé dans les plans de sécurité d’entreprise. Contrairement aux cyberattaques ou aux risques physiques, la fraude documentaire opère dans un entre-deux plus difficile à appréhender et à quantifier. En 2025, ce risque devient pourtant un maillon critique à intégrer dans les audits de sécurité, la cartographie des risques, et les politiques d’accès. Conclusion En matière de sûreté, ce qui ne se voit pas est souvent le plus dangereux. La fraude documentaire s’insinue dans les interstices du quotidien des entreprises pour y causer des dommages considérables. Face à cette réalité, les organisations doivent développer une vigilance renouvelée et mettre en œuvre des stratégies de protection adaptées. L’anticiper, c’est mieux protéger les personnes, les biens et la réputation de l’entreprise dans un environnement où la confiance repose plus que jamais sur l’authenticité vérifiable des documents et des identités. Facebook Twitter LinkedIn Lire aussi AI Act : une nouvelle ère pour la sécurité des entreprises face à l’IA générative Sécurité & Sûreté humaine 9 septembre 2025 Devenue incontournable en quelques années, l’intelligence artificielle s’est imposée dans toutes les sphères – privée, professionnelle, industrielle – et dans tous les secteurs d’activité. L’IA générative, notamment, a rapidement conquis les entreprises, séduites par ses promesses de gain de temps et de productivité. 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