De nombreux réservistes opérationnels effectuent, dans la vie civile, un métier en lien avec la sécurité. Deux fonctions complémentaires qui font écho à une même vocation de protéger et de servir. Ce devoir citoyen est d’autant plus accessible lorsqu’il est facilité par l’employeur privé.

Fin 2017, la France comptait 70 000 réservistes opérationnels. Des femmes et des hommes qui – en parallèle de leurs métiers civils – s’engagent pour prêter main forte aux gendarmes et aux militaires des forces armées. Leur implication a été d’autant plus nécessaire à la suite des attentats qui ont frappé le pays en 2015 et 2016.

Les collaborateurs des sociétés de sécurité privée y ont joué un rôle très actif. Du fait de leur fonction de protection dans leur métier civil, ils sont particulièrement préparés aux missions de réservistes. Comment ces deux activités se complètent-elles ? Comment les entreprises peuvent-elles faciliter l’accès de leurs collaborateurs à leur engagement comme réserviste ? Rencontre avec le Chef d’Escadron de réserve Thibaud CHALMIN, Responsable recrutement de la réserve de la Garde Républicaine & Correspondant Réserve Entreprises & Défense pour l’île-de-France.

 

Pour commencer, pouvez-vous nous décrire la fonction et le rôle du réserviste ?

Thibaud CHALMIN : L’image d’Epinal qu’on se fait habituellement du réserviste est largement obsolète. Il y a encore 20 ans, les réservistes s’entraînaient dans l’éventualité d’une invasion du territoire par une armée étrangère. Aujourd’hui, ils sont devenus des intérimaires salariés de la Gendarmerie et des forces armées. Ils font leur travail de réserviste en complément de leur activité professionnelle principale ou de leurs études. Lorsqu’ils sont en mission, ils ont le même uniforme et le même armement que leurs camarades d’active avec qui ils interviennent. Ils touchent par ailleurs la solde journalière correspondante à leur grade. Cette solde n’est pas imposable ; mais elle sera prise en compte pour le calcul de leur retraite. En quelques années, les réservistes sont devenus ce que les Anglais et les Américains appellent des « part-time soldiers » (soldats à temps partiel).

Chaque jour, 7 000 réservistes sont employés sur le territoire pour assurer la protection de la population et le bon respect des lois. C’est un rôle très opérationnel. Actuellement, la mission la plus importante est l’opération Sentinelle, pour surveiller et protéger les points sensibles du territoire face à la menace terroriste. Sur une patrouille de quatre personnes, on compte en moyenne un réserviste. Par exemple, c’est un réserviste qui a abattu le djihadiste qui a égorgé deux femmes à la gare Saint-Charles, à Marseille en octobre 2017, sauvant ainsi la vie de plusieurs personnes. Idem pour la tentative d’attentat à Orly en mars 2017 : ce sont des réservistes qui ont contribué à mettre l’assaillant hors d’état de nuire.

 

Comment le réserviste salarié arrive-t-il à concilier ses missions avec son emploi du temps ?

T.C. Il est en général assez facile de concilier le devoir de réserve avec un planning de salarié. En moyenne, les réservistes effectuent 37 jours de mission par an, sur un minimum obligatoire de 5 jours. Les missions sont ponctuelles et les journées de réserve peuvent être effectuées le week-end, durant les jours fériés, les congés payés ou encore les RTT. C’est pourquoi, l’employeur – bien que le droit du travail lui impose de laisser 5 jours à ses collaborateurs réservistes pour mener à bien leur devoir (sous préavis de 4 semaines) – n’est pas toujours au courant que des réservistes se trouvent dans son organisation. On estime ainsi que dans les entreprises, environ un collaborateur sur 700 est réserviste, le plus souvent sans que l’employeur le sache.

Dans les entreprises, environ un collaborateur sur 700 est réserviste, le plus souvent sans que l’employeur le sache.

 

Comment un employeur peut-il faciliter la réalisation du devoir de réserve pour ses collaborateurs ?

T.C.  Les entreprises peuvent signer avec la Garde Nationale – qui regroupe les réserves du Ministère des Armées et du Ministère de l’Intérieur – une Convention de soutien à la politique de la réserve militaire. En signant cette convention, l’entreprise permet à ses collaborateurs d’effectuer sur leur temps de travail, plus de 5 jours de réserve par an. L’entreprise peut décider de maintenir toute ou une partie de leur rémunération durant cette période. Elle peut également signer une clause de réactivité pour rendre ses collaborateurs réservistes disponibles sous un délai inférieur à 4 semaines. En échange, l’entreprise obtient le label « Entreprise Partenaire de la Défense » qu’elle peut utiliser pour sa communication, ainsi que certains avantages liés à la RSE, à la formation professionnelle et même certaines réductions fiscales.

Bon nombre d’entreprises font preuve d’un engagement civique remarquable. La RATP, et plus généralement les entreprises publiques, donnent l’exemple : elles offrent 30 jours à leurs collaborateurs réservistes, qui ne sont pas décomptés de leurs congés payés et pendant lesquels ils touchent l’intégralité de leur salaire (en plus de leur solde militaire journalière).

Actuellement, on compte environ 500 entreprises signataires de ce partenariat. C’est un chiffre encourageant mais qui reste encore trop faible au vu des missions de plus en plus nombreuses proposées aux réservistes, eux-mêmes de plus en plus nombreux.

 

Comment la fonction de réserviste peut-elle accompagner la montée en compétence des agents de sécurité privée, et vice versa ?

T.C. Il n’y a pas de statistiques officielles, mais d’après mon expérience, je dirais que 10 à 15% des réservistes effectuent, dans la vie civile, un métier en lien avec la sécurité et la sûreté. Il y a par exemple beaucoup de policiers municipaux, de convoyeurs de fonds et bien sûr d’agents de sécurité privée. Ces derniers constituent d’excellentes recrues pour la réserve. Ils arrivent avec déjà une bonne attitude, de bons réflexes et disposent de toutes les qualités recherchées chez un réserviste : forme physique, état d’esprit, discipline, tenue, fermeté, vigilance, exigence, etc.

Avant de prendre leur fonction, les réservistes de la Gendarmerie suivent une formation professionnelle initiale de 12 jours (Préparation Militaire Gendarmerie), à l’issue de laquelle ils reçoivent le diplôme de gendarme adjoint de réserve (DGAR). Cette formation leur permet d’être encore plus compétents dans leur métier d’agent de sécurité privée. En effet, les techniques d’interventions auxquelles ils sont formés sont souvent plus étendues que leurs missions civiles : contrôle d’identité ou de véhicule, fouilles de sûreté, etc.

À l’inverse, la réserve peut aussi constituer un excellent vivier de candidats à recruter pour les entreprises de sécurité privée. En effet, pour tester son aptitude à assurer des missions  de sécurité publique, le réserviste a été rigoureusement sélectionné : réussite au stage de formation initiale, visite médicale complète, tests psychotechniques, entretien de motivation, enquête de moralité, etc. Cette sélection est un gage de confiance pour l’employeur privé qui peut être assuré de la qualité et de l’implication de ses futurs collaborateurs réservistes. Sous certaines conditions, les réservistes peuvent d’ailleurs obtenir des équivalences pour l’obtention de la carte professionnelle d’agent de sécurité.

Agent de sécurité privée et réserviste sont donc assurément deux fonctions très complémentaires qui s’enrichissent l’une et l’autre. C’est pourquoi j’encourage vivement les sociétés de sécurité privée à signer la Convention de soutien à la politique de la réserve militaire. Ce partenariat est d’ailleurs en cours de signature avec la société GORON.

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En 2018 le Chef d’Escadron de réserve Thibaud CHALMIN recrute 180 réservistes à Paris, pour participer à l’opération Sentinelle et assurer la sécurité des palais nationaux.

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