Un nouveau problème se pose aujourd’hui aux compagnies aériennes : celui des incivilités et des actes de malveillance survenant pendant que l’avion est en plein vol. Actuellement mal maîtrisés par les personnels navigants, ces risques peuvent gravement mettre en péril la sûreté des aéronefs et des passagers. Focus sur quelques pistes de solution. 

En 2016, 3,8 milliards de passagers ont emprunté l’avion. On en attend le double dans les 20 prochaines années. Cette nouvelle cadence implique un défi de taille pour les aéroports et les compagnies aériennes. Il leur faut assurer la sécurité de l’ensemble des passagers alors même que l’augmentation des flux et les rythmes d’embarquement/débarquement toujours plus rapides, introduisent nécessairement de nouveaux risques parmi les voyageurs. 

Pendant longtemps, la crainte majeure était celle de la bombe en soute, de l’intrusion de matériels létaux (types armes à feu) ou de l’intervention d’une personne malveillante sur les actions d’atterrissage, roulage, décollage. Actuellement, ces menaces sont relativement bien maîtrisées – tout du moins en Occident – par les mesures mises en place : scanners bagages, contrôles d’identité, fichiers des interdits de vol, etc. 

Le vrai problème aujourd’hui est celui des incivilités et des actes de malveillance survenant en plein vol. Ces-derniers ont toujours existé mais ils sont aggravés par la situation de tension mondiale et par des facteurs sociaux et sociétaux qui conditionnent un pic important d’agressivité en cas de crise. Les menaces peuvent émaner de deux niveaux : les personnels navigants (un co-pilote qui décide d’écraser son avion pour se suicider, une radicalisation non-descellée, etc.) et les passagers (un attentat d’opportunité, etc.).  

Une réelle problématique sûreté au niveau des passagers 

Si les risques liés aux personnels navigants sont assez bien pris en compte par les compagnies, les situations de crise liées à la sûreté au niveau des passagers sont mal maîtrisées. Certaines compagnies ont fait état d’un accroissement substantiel des malveillances, voire d’émeutes en plein vol qui ont gravement mis en péril la sécurité de tout l’aéronef.  

Ces situations ont révélé un manque criant de préparation de la part des personnels navigants. En réaction, un nombre significatif de compagnies ont mis en place des sessions de formation (en moyenne quatre heures), en coopération avec des services spécialisés, pour sensibiliser les personnels navigants à ce type de menaces. Les compagnies n’ayant pas mis en place ces dispositifs de formation – soit par manque d’intervenants (il y en a très peu sur les marchés) soit par politique interne – ont opté pour le renforcement des contrôles passifs par analyse comportementale ou profiling. 

Cependant, malgré ces mesures, les problèmes subsistent voire s’accroissent. Pour exemple, voici quelques situations réelles rencontrées par des personnels navigants : que faire face à un passager très agressif et alcoolisé qui décide de casser un hublot en vol avec un brise-glace récupéré dans l’avion ? Comment maîtriser un groupe de jeunes qui s’affronte dans un avion de retour d’un voyage organisé ? Comment maîtriser un expert en arts martiaux qui menace de tuer une hôtesse de l’air si l’avion n’est pas détourné ?  

Il est indispensable de pouvoir réagir à ces situations, pour assurer la protection de toutes les personnes présentes dans l’aéronef et sans induire de dommages sur l’image commerciale de la compagnie aérienne. 

Voici quelques pistes de solutions. 

1 -Sortir de l’effet bloquant lié à l’image : reconnaître l’existence du phénomène 

Au vu du fort potentiel médiatique de tous les événements liés au transport aérien, lorsque survient une crise en plein vol, les compagnies ont souvent le réflexe de l’étouffer au maximum de peur d’alerter la presse et de ternir leur image de marque. Toute intervention doit bien sûr se faire dans la discrétion, mais quand la sécurité de passagers en vol est en jeu, il faut maîtriser au mieux la menace et ce par tous les moyens. Pour réagir efficacement, les compagnies doivent donc avant toute chose reconnaître l’existence du phénomène.  

2 -Assurer la protection juridique des compagnies  

Il est nécessaire de protéger légalement les compagnies aériennes lorsqu’elles décident de ne pas embarquer un ou des passagers par principe de précaution. Actuellement, elles sont bloquées par la crainte que les passagers demandent des indemnités, souvent conséquentes (plusieurs milliers d’euros). Quand on connaît la faible marge d’un vol (moins de 10 000 euros en moyenne), cela devient problématique. Les compagnies doivent pouvoir assurer la sécurité de leurs passagers sans être embarrassées par de pures problématiques de rentabilité.  

3  – Mettre en place au sein de compagnies, des procédures d’audit adaptées au phénomène 

Ces procédures doivent être approfondies en fonction des destinations et des typologies de passagers. Elles permettront ainsi de créer des livrets de procédures et de bonnes pratiques adaptés à chaque route.  

4  – Mieux préparer les personnels navigants à la réalité des menaces 

La formation des personnels navigants est bien sûr incontournable. Il faut leur fournir les moyens et leur inculquer les comportements nécessaires pour qu’ils soient en mesure de prévenir, gérer et maîtriser l’essentiel des scénarios possibles. À cet effet, il faut créer des modules de formation complets, dispensés par des experts, intégrant de la théorie mais surtout beaucoup d’exercices pratiques.

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