La France est-elle à un tournant en matière de sécurité ? Certains chiffres sur la délinquance publiés pour le premier semestre 2021 sont alarmants. Cependant, des baisses régulières sont enregistrées depuis plusieurs années dans certaines catégories de crimes et délits. RNM+S fait le point.


À retenir

  • Au premier trimestre 2021, de nombreux actes de violence sont en hausse.
  • En 2020 pourtant, ces mêmes faits connaissaient un net recul, probablement en raison du contexte sanitaire.
  • Au global, en comparant avec les années précédentes, les vols avec arme ou avec violence baissent, tandis que les violences sexuelles et intrafamiliales augmentent.

Certains faits de violence en nette hausse au printemps… 

Faut-il y voir les effets conjugués de l’allègement du couvre-feu puis de la levée complète des restrictions sanitaires en vigueur depuis des mois ? La France a connu une augmentation significative de certains actes violents à l’orée de l’été 2021.

Interstats, service de statistiques publiques du ministère de l’Intérieur, publie chaque mois une note de conjoncture de l’insécurité et de la délinquance. Ces chiffres représentent les crimes et délits enregistrés par la police et la gendarmerie en France métropolitaine. Ainsi, les éléments de conjoncture publiés en juin font état d’une augmentation de 6 % des homicides entre mai et juin 2021. Un chiffre qui avait même augmenté de 19 % entre avril et mai 2021 ; soit un boom de 7 % au second trimestre par rapport au premier trimestre 2021.

De la même façon, les coups et blessures volontaires (qui englobent les violences intrafamiliales) et les violences sexuelles vont crescendo au fil des mois. + 13 % pour la première catégorie de faits en juin (versus mai) et + 15 % pour la seconde. 

Interstats met en lumière une tendance à la hausse qui semble s’installer dans la durée. En effet, selon les données du service statistique, le cumul des douze derniers mois (de juillet 2020 à juin 2021) comparé à la période précédente (juillet 2019 à juin 2020) confirme l’augmentation dans ces catégories de faits : + 4 % pour les homicides, + 4 % pour les coups et blessures, et + 26 % pour les violences sexuelles. 

… mais d’autres indicateurs à interpréter avec précaution

La flambée de certains faits est également évidente au cours du deuxième trimestre 2021. Avec 530 vols avec arme en juin 2021, le chiffre est stable comparé à mai 2021. Mais il avait connu une hausse de 6 % entre avril et mai. Idem pour les vols violents sans arme : + 7 % en juin et + 27 % en mai. Les vols sans violence contre des personnes n’échappent pas à l’envolée printanière : + 11 % en juin et + 10 % en mai. 

Mais là aussi, il faut se pencher sur le cumul des données sur une année pour constater que ces actes restent globalement à la baisse. Si l’on compare la période de juillet 2020 à juin 2021 à celle de juillet 2019 à juin 2020, il s’avère que les vols avec arme sont en chute de 6 %, les vols violents sans arme de 9 % et les vols sans violence de 9 % également. 

Cambriolages, vols de véhicules, vols dans les véhicules, vols d’accessoires sur les véhicules, destructions et dégradations volontaires : pour l’ensemble de ces faits, les chiffres sont bien à la hausse en juin… mais en baisse si l’on tient compte du cumul sur les douze mois précédents.

Seule exception : les escroqueries. Elles ont bondi de 22 % entre la période juillet 2020 à juin 2021 versus juillet 2019 à juin 2020.

Si le pays est incontestablement confronté aux points noirs que représentent les coups et blessures volontaires et les violences sexuelles, en hausse continue ces derniers mois, d’autres faits de délinquance sont pourtant régulièrement à la baisse depuis plusieurs années.

Coups et blessures et violences sexuelles ont augmenté en 2020…

À ce titre, le bilan de l’insécurité et de la délinquance 2020 publié en avril 2021 par le ministère de l’Intérieur apporte de précieux éléments, même si les chiffres sont à manier avec précaution. 2020 fut une année hors normes marquée par un confinement strict de deux mois entre mars et mai, un couvre-feu à partir d’octobre et une crise sanitaire durable. 

Tout d’abord, le nombre de victimes d’homicides est en baisse : – 17 victimes par rapport à 2019. Mais si l’on observe une légère hausse (+ 1 %) des coups et blessures volontaires sur personnes de 15 ans ou plus, les violences intrafamiliales (comptabilisées dans cette catégorie) poursuivent leur fort accroissement : + 9 % en 2020.

Sur le front des violences sexuelles, Interstats indique qu’en 2020 « le nombre de victimes de violences sexuelles enregistrées par les services de sécurité a poursuivi la hausse (+ 3 %) observée les années précédentes. Dans le contexte de la crise sanitaire, cette augmentation est néanmoins beaucoup moins forte qu’en 2018 (+ 19 %) et 2019 (+ 12 %) ». La hausse est de 11 % en 2020 concernant les viols et tentatives de viols enregistrés par la police et la gendarmerie. 

Une augmentation sensible qui, selon le ministère de l’Intérieur, pourrait notamment s’expliquer « par une évolution du comportement de dépôt de plainte des victimes, dans le climat des différents mouvements sur les réseaux sociaux ayant favorisé la libération de la parole des victimes. En outre, l’augmentation des violences sexuelles enregistrées s’inscrit dans un contexte d’amélioration des conditions d’accueil des victimes par les services ». 

… quand d’autres faits ont nettement reculé

Le tableau est décidément contrasté, car bien d’autres indicateurs sont en nette baisse. Interstats évoque même « des évolutions très atypiques depuis mars 2020 », puisque « certaines formes de délinquance ne peuvent pas autant s’exercer dans un contexte de confinement ou de couvre-feu qu’en situation habituelle ».

Plusieurs indicateurs enregistrent ainsi de très nets reculs en 2020 : les vols sans violence contre des personnes (- 24 %), les cambriolages de logements (- 20 %), les vols violents sans arme (- 19 %), les vols d’accessoires sur véhicules (- 18 %), les vols dans les véhicules (- 17 %), les vols de véhicules (- 13 %), les destructions et dégradations volontaires (- 13 %) et les vols avec armes (- 8 %).

Seules les escroqueries enregistrées par les services de sécurité augmentent très légèrement en 2020 (+ 1 %), après une hausse très marquée en 2019 (+ 11 %).

Les enseignements des années précédentes

Si le contexte de 2020 rend complexe la comparaison avec 2019, l’étude des données avec les années précédentes s’avère, elle, éclairante.

Sur le volet des coups et blessures volontaires, la hausse est continue. En particulier pour les violences intrafamiliales, qui explosent : 131 200 faits en 2020, contre 94 200 en 2016, par exemple. Les violences sexuelles suivent également cette tendance depuis 2017. En revanche, les vols avec armes sont en baisse continue depuis cinq ans. Idem pour les vols violents sans arme. Les vols sans violence contre des personnes connaissent, eux, des fluctuations en fonction des années.

La France fait-elle face à un coup de chaud momentané confirmé par les chiffres du premier semestre 2021, ou s’agit-il d’une montée de la violence prête à s’installer sur le long terme ? Difficile d’en tirer des conclusions définitives.

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