Longtemps atone – notamment comparé au marché anglo-saxon – le marché français des entreprises de services de sécurité et de défense (ESSD) est en train de se consolider depuis 2015. Le rachat partiel d’Amarante par le groupe Seris, la fusion-acquisition de Geos par l’ADIT en octobre 2018, suivi en novembre de l’annonce de la cession de Risk&Co, en sont la preuve éclatante. Cette concentration, prévisible et souhaitée par les acteurs de ce secteur, dispose-t-elle pour autant les ESSD françaises à concurrencer leurs homologues anglo-saxons ? Quels autres développements attendre à terme sur ce marché ? Georges-Henri MARTIN-BRICET – directeur du développement de l’Ecole supérieure de la sûreté des entreprises (ESSE) – nous éclaire sur ces questions. Au vu de la faiblesse structurelle des ESSD françaises depuis de nombreuses années, le mouvement de concentration et de consolidation du marché auquel on assiste est logique et salutaire. Il était largement prévisible et d’ailleurs souhaité de longue date, notamment par les adhérents du Club français des entreprises de sûreté internationale (CEFSI). Ces derniers partageant à l’unanimité le constat sur leur déficit de surface financière et opérationnelle. Cette concentration est toutefois à relativiser : les ESSD françaises restent encore de modestes PME par rapport aux ETI britanniques et aux multinationales américaines et canadiennes. Leurs chiffres d’affaires restent également modestes par rapport à celui des principales sociétés de sécurité privée en France. Crédit © GORON Crédit © GORON On doit aussi s’interroger sur le destin des plus petites entités, à l’instar de Erys Group (14 millions d’euros de CA), qui pourraient rapidement être limitées dans leur développement et trouver une échappatoire dans une fusion avec un acteur français ou étranger. Une chose est en tout cas certaine : la mutation entamée va se poursuivre. Ce mouvement pourrait déboucher à terme sur une hyperconcentration du marché et la constitution d’une ou deux grandes ESSD françaises dotées d’une surface financière et opérationnelle suffisante pour affronter leurs concurrents étrangers. A une échelle toute autre, on avait assisté à ce schéma classique à partir de 2008 aux Etats-Unis, dans un moment de grand flottement du marché, avec les rachats successifs de Triple Canopy (2010), de Academi (2014), Olive Groupe (2015) et AMK9 (2017) par le groupe Constellis. Le tout donnant naissance en une dizaine d’années, à un nouveau géant des services de sécurité. Ce mouvement pourrait déboucher à terme sur une hyperconcentration du marché et la constitution d’une ou deux grandes ESSD françaises dotées d’une surface financière et opérationnelle suffisante pour affronter leurs concurrents étrangers. Quel schéma d’évolution du marché pour les prochaines années ? Le cas du rachat d’Amarante par le groupe Seris préfigure sans doute la grande tendance de ce processus de consolidation avec des fusions entre grands groupes de sécurité privée (dont la surveillance humaine et ses activités annexes restent le cœur de métier) et la sûreté internationale (protection armée en zones à risques, sûreté des expatriés, ingénierie de sûreté). La mise sur pied d’un tel continuum d’offres de services de sécurité et de sûreté reste une chose relativement nouvelle sur le marché français. La mise sur pied d’un tel continuum d’offres de services de sécurité et de sûreté reste une chose relativement nouvelle sur le marché français. En effet, dans l’approche anglo-saxonne, il n’existe pas de séparation culturelle entre les activités de sécurité privée sur le sol national et la protection armée en zones à risques à l’international. A contrario, les mondes de la sécurité privée et de la sûreté internationale communiquent traditionnellement assez peu en France. Les métiers et les expertises ne sont souvent pas les mêmes, notamment en raison d’une sociologie des dirigeants très différentes entre les deux secteurs. Les dirigeants des ESSD sont notamment très marqués par le monde militaire et du renseignement. Quant aux volumes d’affaires, ils sont sans commune mesure. Gageons que l’essor d’un marché de la surveillance armée en France va servir à aimanter ce nouveau continuum entre le territoire national et l’international. Cela permettrait alors le rapprochement de deux secteurs – sécurité privée et sûreté – certes cousins mais qui ont évolué jusqu’à très récemment, en parallèle. Autre question : quid de l’intérêt des majors anglo-saxonnes du secteur pour le marché français ? Les groupes anglo-saxons sont longtemps restés consommateurs de ressources spécialisées françaises ou francophones. Ils ont allègrement recruté dans les effectifs de la Légion ou les forces spéciales, sans toutefois développer de stratégie précise sur le secteur français, se contentant de sous-traiter à certaines ESSD, en particulier en Afrique de l’Ouest. A ce titre, bien que d’un faible impact financier, le rachat en 2017 du cabinet français Crisis24 par Garda World témoigne de l’intérêt du géant canadien pour le marché français. Cette acquisition a permis à Garda de s’implanter à Paris et de travailler ses réseaux auprès du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) dont les volumes de marché sont suffisamment hauts pour l’intéresser. Amarante a d’ailleurs récemment remporté la prestation de protection du SEAE à Kaboul en s’associant avec Garda. La donne pourrait donc changer avec le remodelage en cours du marché et il n’est pas impossible qu’un grand groupe anglo-saxon se positionne, à terme, sur le futur rachat d’une ESSD française. Facebook Twitter LinkedIn
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