La formation est l’un des grands chantiers du secteur de la sécurité privée. Parmi les voies d’accès à ce domaine, l’apprentissage est une filière très prometteuse pour les futurs candidats aux postes d’agent de sécurité. Pourtant, l’état actuel de la législation en la matière n’est pas évidente. Natalie CHAMPION —  animatrice nationale du réseau des Greta (1) dans le domaine du BTP et de la sécurité privée, au Ministère de l’Education nationale — nous livre son éclairage sur la question.

Chantier de premier plan du quinquennat d’Emmanuel Macron, la loi “pour la liberté de choisir son avenir professionnel” promulguée le 5 septembre 2018 se veut une véritable réforme de l’accès à l’emploi en France. Le texte s’attaque à l’assurance chômage, l’égalité femmes-hommes, l’emploi des personnes en situation de handicap, la lutte contre le travail détaché, mais aussi l’apprentissage et la formation professionnelle. L’une des mesures concernant l’apprentissage a notamment attiré notre attention. Depuis le 1er janvier 2019, la loi autorise les entreprises à ouvrir leur propre centre de formation, par simple déclaration d’activité à la DIRECCTE (2). Question formalité, cette déclaration doit se faire sur la base d’une première convention de formation, et expressément mentionner dans l’objet de ses statuts l’activité de formation en apprentissage. Une mesure qui a pour objectif non dissimulé, de libéraliser le marché de l’apprentissage.

L’apprentissage, un marché amené à se libéraliser

Pour les futurs salariés, l’apprentissage est en effet une véritable porte d’accès aux diplômes et à l’emploi. Il s’agit d’un contrat de travail entre un apprenti et un employeur. L’objectif est de donner à des salariés une formation générale, théorique et pratique afin d’obtenir une qualification professionnelle (un diplôme ou un titre), enregistrée au Répertoire national des certifications professionnelles (RNCP). En somme, il s’agit de préparer un diplôme par le biais d’un contrat de travail.

Dans le domaine de la sécurité, l’apprentissage est une voie prometteuse en plein essor, mais encore peu développée. En effet, peu de formations en alternance dédiées aux métiers de la sécurité privée existent en France. Avec la loi du 5 septembre 2018, cette donnée va donc être amenée à changer. Une bonne nouvelle pour les futurs agents de sécurité qui souhaitent se former. Pour autant, ces derniers  se trouvent actuellement face à un antagonisme juridique.

Deux législations en conflit pour les apprentis agents de sécurité

En effet, d’après le Code du travail, un apprenti doit exercer des activités en lien avec le référentiel du diplôme ou du titre préparé. Concrètement, un candidat à un CAP d’agent de sécurité, qu’il suit dans le cadre d’un contrat d’apprentissage, doit donc pouvoir exercer des missions de sécurité privée.

Mais ce n’est pas ce que prévoit le Code de la sécurité intérieure. En effet, ce dernier  prévoit que seuls les agents titulaires d’une carte professionnelle aient la possibilité d’exercer des missions de sécurité privée (articles L.612-20 et L. 622-19). Les candidats à une formation donnant l’aptitude professionnelle doivent donc demander une autorisation préalable au Conseil national des activités privées de sécurité (CNAPS). Cette autorisation préalable ne permet toutefois pas au stagiaire d’être laissé seul et en autonomie sur son poste de travail. Résultat : les deux législations sont en conflit.

Alors, face à cette opposition juridique, comment se déroulent les choses pour les apprentis agents de sécurité ? Actuellement, le Code de la sécurité intérieure est généralement contourné. Dans la majorité des cas, les candidats à une formation d’agent de sécurité en apprentissage (Bac Pro, CAP ou titre privé) commencent par passer un CQP APS : un certificat de qualification professionnelle – Agent de Prévention et de Sécurité. Il s’agit du « diplôme » le plus court dans le domaine de la sécurité, qui permet à l’apprenti de se voir délivrer une carte professionnelle. Ainsi titulaires de cette carte, les apprentis peuvent exercer des missions de sécurité dans le cadre de leur contrat d’apprentissage.

Il faut bien garder à l’esprit que l’apprentissage est un véritable parcours d’avenir pour les métiers de la sécurité privée, et un véritable outil en faveur de la qualification de ces métiers.

Si cet arrangement de fait semble pour l’instant convenir, il faut néanmoins ne pas en écarter les éventuels risques. En effet, les apprentis agents de sécurité effectuent les mêmes missions que des agents de sécurité salariés, mais pour une rémunération moindre. On peut donc pointer du doigt des risques d’abus des contrats d’apprentissage de la part des employeurs, qui utiliseraient les contrats d’alternance non pas uniquement pour former leurs futurs agents, mais pour les employer à moindres coûts. Or, il faut bien garder à l’esprit que l’apprentissage est un véritable parcours d’avenir pour les métiers de la sécurité privée, et un véritable outil en faveur de la qualification de ces métiers.

Alors que faire ? Une solution serait de créer une autorisation préalable dédiée aux alternants. Cette autorisation leur permettrait d’exercer une série limitée d’activités, listées de façon exhaustive. Ces activités ne pourraient se faire qu’en présence d’un tuteur ou d’un maître d’apprentissage.

 

1 : Les Greta sont les structures de l’Education nationale qui organisent des formations pour adultes dans la plupart des métiers. On peut aussi bien y préparer un diplôme du CAP au BTS que suivre un simple module de formation.

2 : Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l’emploi

 

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