La protection des travailleurs isolés vise à garantir la sécurité des salariés en situation d’isolement physique ou psychologique lorsqu’ils sont à leur poste. Zoom sur les obligations qui incombent aux entreprises en la matière et sur les bonnes pratiques à mettre en place afin de protéger les salariés isolés.

L’ouvrier face à sa machine, le personnel d’astreinte en hôpital, le transporteur dans son véhicule ou encore l’agent de surveillance en pleine ronde de nuit… Le travail isolé n’est pas nouveau. Il existe depuis plusieurs décennies dans de nombreux secteurs d’activité et de nombreuses entreprises. Néanmoins, il s’est considérablement accru ces dernières années du fait des mutations du monde du travail : accroissement des horaires atypiques, développement de l’automatisation, recours fréquent à des entreprises sous-traitantes, télétravail, etc. Pour les salariés, cet isolement au travail génère des risques à la fois physiques — allongement du délai d’intervention en cas d’accident — mais aussi psychologiques — baisse de vigilance, sentiment d’inutilité voire d’insécurité.

Protéger un travailleur isolé : une priorité et un devoir pour l’employeur

L’identification de ces situations d’isolement devient donc une véritable préoccupation pour les employeurs. Plus que cela, ils sont même les garants de la sécurité de leurs salariés aux yeux de la loi et de la réglementation.

En effet, l’article L.4121-1 impose à l’entreprise de prendre « les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs ». L’article R4543-19, quant à lui, pose le principe d’après lequel « un travailleur isolé doit pouvoir signaler toute situation de détresse et être secouru dans les meilleurs délais ». Ainsi, selon les secteurs et les activités, il est nécessaire de définir les risques inhérents au travail isolé et de trouver une solution permettant de garantir la sécurité du salarié en situation d’isolement.

Pour les salariés, cet isolement au travail génère des risques à la fois physiques — allongement du délai d’intervention en cas d’accident — mais aussi psychologiques — baisse de vigilance, sentiment d’inutilité voire d’insécurité.

Reste toutefois un problème de taille : aucune réglementation ne définit précisément ce qu’est une situation d’isolement au travail. En conséquence, les travailleurs isolés sont souvent mal repérés, causant parfois des accidents dramatiques. « Il est très difficile d’estimer le nombre de travailleurs isolés en France », explique Bruno HUSSON, responsable commercial Export chez Magneta, entreprise française spécialisée dans la protection des travailleurs isolés. « Une chose est en revanche sûre : leur proportion est amenée à augmenter dans les prochaines années et bientôt, la problématique de protection de ces travailleurs concernera tous les employeurs ».
Comment identifier une personne en situation d’isolement au travail ?

Identifier les travailleurs isolés : une responsabilité incombant à l’employeur

En l’absence de réglementation fermement établie permettant de définir avec précision ce qu’est un travailleur isolé, c’est à l’entreprise d’identifier ceux de ses salariés qui sont en situation d’isolement lorsqu’ils sont à leur poste.
En effet, d’après l’INRS (Institut national de recherche et de sécurité), « en raison notamment de la grande diversité de situations rencontrées, le code du travail confère à l’employeur le pouvoir et la responsabilité :

  • d’identifier les situations d’isolement physique,
  • d’apprécier l’opportunité de prendre en considération ces situations et d’y remédier,
  • de déterminer les mesures appropriées à leur prévention ».

Pour parvenir à définir qui sont les travailleurs concernés, l’entreprise peut s’appuyer sur plusieurs éléments.

La détection d’une situation de travail en isolement

La notion de travail isolé dépend de plusieurs facteurs : l’implantation du poste, l’environnement, l’organisation de travail, les horaires, etc. D’une manière générale, un travailleur est considéré comme isolé dès lors qu’il est hors de vue et hors de portée de voix d’autres personnes. Cet isolement ne doit pas nécessairement être géographique, il peut aussi être psychologique. De même, il peut être aussi bien ponctuel que permanent. C’est pourquoi chacune des situations de travail et chaque métier doit faire l’objet d’une analyse particulière pour permettre la mise en place de mesures de prévention adaptées.

Pour détecter les travailleurs isolés d’une entreprise, voici les questions que les employeurs peuvent se poser :

  • Le salarié exerce-t-il une activité à risque ?
  • Le poste implique-t-il des contacts avec des produits ou des équipements dangereux ?
  • Quelles contraintes implique la tâche (caractéristiques du lieu de travail, implantation géographique, moyens de communication, durée et fréquence de l’isolement) ?
  • Le salarié est-il localisable ?
  • Le salarié peut-il rapidement entrer en communication avec quelqu’un ?
  • Que se passe-t-il en cas d’incident ? Le salarié a-t-il les moyens d’avertir rapidement ses autres collaborateurs, le service de sécurité interne ou les secours ?

Si la plupart des réponses précédentes sont affirmatives, les conditions de travail du salarié prouvent ainsi qu’il est dans une situation d’isolement au travail. Des mesures spécifiques doivent alors être prises pour assurer sa sécurité.

Mettre en place les bonnes pratiques pour protéger le salarié en situation de travail isolé

Pour assurer la protection des travailleurs isolés, il revient donc à chaque entreprise de mettre en œuvre une procédure d’organisation, en accord avec son service de sécurité et validée par les services de secours. Ces bonnes pratiques peuvent se décomposer en trois étapes essentielles :

  • Reconsidérer l’organisation du travail

Le premier objectif de l’employeur devrait être de limiter le nombre de postes isolés dans son entreprise. Pour cela, il doit reconsidérer la nécessité de l’isolement et peut ainsi être amené à repenser l’organisation des postes de travail. Plusieurs options s’offrent à lui : il peut notamment réaménager les bureaux, revoir la planification des horaires des salariés, constituer des binômes, mettre en place une surveillance régulière à distance, une permanence téléphonique ou même le passage d’un collègue, etc.

  • Évaluer les risques

Si malgré cette réorganisation, des postes de travail isolés sont encore indispensables pour le bon fonctionnement de l’entreprise, l’employeur doit alors dresser la liste de chaque poste. Cette étape est indispensable et permet d’identifier les risques potentiels pouvant mettre en jeu la sécurité du salarié. Cette évaluation des risques doit être inscrite dans le Document Unique de l’entreprise et renouvelée chaque année.

  • Mettre en place des dispositifs d’alerte

L’analyse des risques n’est pas suffisante. L’entreprise doit également équiper ses travailleurs isolés d’un dispositif d’alarme spécifique leur donnant la possibilité de transmettre une alerte dès qu’une situation anormale et/ou de détresse se produit. Objectif : leur permettre d’être secourus dans le plus court délai possible. L’alerte peut être signalée par le travailleur lui-même, mais elle peut aussi être détectée par des dispositifs techniques plus avancés.
L’efficacité des dispositifs d’alerte mis en place est néanmoins soumise à deux conditions. D’une part, les salariés isolés doivent avoir été sensibilisés aux risques auxquels ils peuvent être exposés à leur poste. D’autre part, ils doivent également être formés à l’usage de leurs dispositifs d’alerte et aux procédures de sécurité à respecter en cas d’incident.

Les dispositifs PTI-DATI, des équipements spécifiquement conçus pour donner l’alerte

Les EPI (Équipements de Protection Individuelle) désignent les dispositifs destinés à protéger une personne contre les risques pesant sur sa santé et sa sécurité.
Dans cette grande famille figure une sous-catégorie appelée PTI (Protection du Travailleur Isolé), qui inclut en son sein les équipements DATI (Dispositifs d’Alarme pour Travailleurs Isolés). Ces derniers ont un rôle bien spécifique : détecter une situation critique et déclencher rapidement les secours.
Bruno Husson, spécialiste en la matière, souligne ainsi l’existence de boîtiers, montres ou bracelets connectés, capables de détecter une chute, une perte de verticalité ou l’absence de mouvement. Ces technologies engendrent une cascade d’appels ou de SMS d’alerte, adressés au service de sécurité interne de l’entreprise, à un centre de télésurveillance ou aux secours. Ces dispositifs sont aussi dotés d’un système de géolocalisation permettant de localiser le travailleur en danger. L’entreprise Magneta, qui travaille depuis des années sur la mise en place de DATI dans les entreprises qui possèdent des travailleurs isolés, a justement créé un Livre Blanc sur le sujet.

Les travailleurs isolés dans la sécurité privée

Les agents de sécurité privée sont amenés à exercer de nombreuses tâches différentes et à évoluer dans des contextes très variés. Certaines de leurs missions peuvent les placer dans la situation d’un travailleur isolé.
Rondes dans un parking le week-end, surveillance nocturne d’une entreprise, protection d’un site reculé…. Les professionnels du secteur peuvent être confrontés à diverses situations les mettant en danger comme un accident, une agression ou encore une chute.
Les dispositifs PTI-DATI sont donc cruciaux dans le secteur de la sécurité privée. Ils apportent une sérénité et une grande réassurance aux agents, qui en cas de détresse recevront rapidement du secours.

En France, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience de la nécessité d’identifier et de protéger leurs salariés exerçant à des postes isolés. Elles peuvent d’ailleurs être soumises à des contrôles destinés à vérifier leurs dispositifs de sécurité pour leurs travailleurs isolés. À défaut d’avoir mis en place des mesures adéquates, l’employeur engagera sa responsabilité et sera soumis à de fortes pénalités.

 

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