La protection des travailleurs isolés vise à garantir la sécurité des salariés en situation d’isolement physique ou psychologique à leur poste. Zoom sur les obligations qui incombent aux entreprises en la matière et sur les bonnes pratiques à mettre en place afin de protéger les salariés isolés.

L’ouvrier face à sa machine, le personnel d’astreinte en hôpital, le transporteur dans son véhicule ou encore l’agent de surveillance en pleine ronde de nuit… Le travail isolé n’est pas nouveau. Il existe depuis plusieurs décennies dans de nombreux secteurs d’activité et de nombreuses entreprises. Néanmoins, il s’est considérablement accru ces dernières années du fait des mutations du monde du travail : accroissement des horaires atypiques, développement de l’automatisation, recours fréquent à des entreprises sous-traitantes, télétravail, etc. Pour les salariés, cet isolement au travail  génère des risques à la fois physiques — allongement du délai d’intervention en cas d’accident — mais aussi psychologiques — baisse de vigilance, sentiment d’inutilité voire d’insécurité — .

L’identification de ces situations d’isolement devient donc une véritable préoccupation pour les employeurs, garants de la sécurité de leurs salariés. Le Code du travail*  impose en effet à l’employeur, l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires afin que chaque salarié isolé puisse rapidement signaler une  situation de détresse et être secouru dans un bref délai en cas d’accident.

Pour les salariés, l’isolement au travail génère des risques à la fois physiques – allongement du délai d’intervention en cas d’accident –, mais aussi psychologiques – baisse de vigilance, sentiment d’inutilité voire d’insécurité.

Reste un problème de taille : aucune réglementation ne définit précisément ce qu’est une situation d’isolement au travail. En conséquence, les travailleurs isolés sont souvent mal repérés, causant parfois des accidents dramatiques. “Il est très difficile d’estimer le nombre de travailleurs isolés en France” explique Bruno HUSSON, responsable commercial Export chez Magneta, entreprise française spécialisée dans la protection des travailleurs isolés. “Une chose est en revanche sûre : leur proportion est amenée à augmenter dans les prochaines années et bientôt, la problématique de protection de ces travailleurs concernera tous les employeurs”.

Comment identifier une situation d’isolement au travail ?

La notion de travail isolé dépend de plusieurs facteurs : l’implantation du poste, l’environnement, l’organisation de travail, les horaires, etc.  D’une manière générale, un travailleur est considéré comme isolé dès lors qu’il est hors de vue et hors de portée de voix d’autres personnes. Cet isolement ne doit pas nécessairement être géographique, il peut aussi être psychologique. De même, il peut être aussi bien ponctuel que permanent. C’est pourquoi chacune des situations de travail et chaque métier doit faire l’objet d’une analyse particulière pour permettre la mise en place de mesures de prévention adaptées.

Pour détecter les travailleurs isolés d’une entreprise, voici les questions que les employeurs peuvent se poser :

  • Le salarié exerce-t-il une activité à risque ?
  • Le poste implique-t-il des contacts avec des produits ou des équipements dangereux ?
  • Quelles contraintes implique la tâche (caractéristiques du lieu de travail, implantation géographique, moyens de communication, durée et fréquence de l’isolement) ?
  • Le salarié est-il localisable ?
  • Le salarié peut-il rapidement entrer en communication avec quelqu’un ?
  • Que se passe-t-il en cas d’incident ? Le salarié a-t-il les moyens d’avertir rapidement ses autres collaborateurs, le service de sécurité interne ou les secours ?

Si la plupart des réponses précédentes sont affirmatives, les conditions de travail du salarié prouvent ainsi qu’il est dans une situation d’isolement au travail. Des mesures spécifiques doivent alors être prises pour assurer sa sécurité.

Mettre en place les bonnes pratiques pour protéger le salarié isolé

Pour assurer la protection des travailleurs isolés, il revient donc à chaque entreprise de mettre en oeuvre une procédure d’organisation, en accord avec son service de sécurité et validée par les services de secours. Ces bonnes pratiques peuvent se décomposer en quatre étapes essentielles :

  • Reconsidérer l’organisation du travail

Le premier objectif de l’employeur devrait être de limiter le nombre de postes isolés dans son entreprise. Pour cela, il doit reconsidérer la nécessité de l’isolement et peut ainsi être amené à repenser l’organisation des postes de travail. Plusieurs options s’offrent à lui : il peut notamment réaménager les bureaux, revoir la planification des horaires des salariés, constituer des binômes, mettre en place une surveillance régulière à distance, une permanence téléphonique ou même le passage d’un collègue, etc.

  • Evaluer les risques

Si malgré cette réorganisation, des postes de travail isolés sont encore indispensables pour le bon fonctionnement de l’entreprise, l’employeur doit alors dresser la liste de chaque poste. Cette étape est indispensable et permet d’identifier les risques potentiels pouvant mettre en jeu la sécurité du salarié. Cette évaluation des risques doit être inscrite dans le Document Unique de l’entreprise et renouvelée chaque année.

  • Mettre en place des dispositifs d’alerte

L’analyse des risques n’est pas suffisante. L’entreprise doit également équiper ses travailleurs isolés d’un dispositif d’alarme spécifique. Aussi appelés DATI, ces dispositifs d’alarme donnent la possibilité aux employés de transmettre une alerte dès qu’une situation anormale et/ou de détresse se produit. Objectif : leur permettre d’être secourus dans le plus court délai possible.

L’alerte peut être signalée par le travailleur lui-même, via talkie walkie ou téléphone, mais elle peut aussi être détectée par des dispositifs techniques plus avancés. Bruno HUSSON, spécialiste en la matière, souligne ainsi l’existence de boîtiers, montres ou bracelets connectés, capables de détecter une chute, une perte de verticalité ou l’absence de mouvement. Ces technologies déclenchent une cascade d’appels ou de SMS d’alerte, adressés au service de sécurité interne de l’entreprise, à un centre de télésurveillance ou aux secours. Ces dispositifs sont aussi aussi dotés d’un système de géolocalisation permettant de localiser le travailleur en danger. L’entreprise Magneta, qui travaille depuis des années sur la mise en place de DATI dans les entreprises qui possèdent des travailleurs isolés, a justement créé un Livre Blanc sur le sujet.

  • Agir sur la prévention et la formation des salariés

L’efficacité des dispositifs d’alerte mis en place est néanmoins soumise à deux conditions. D’une part, les salariés isolés doivent avoir été sensibilisés aux risques auxquels ils peuvent être exposés à leur poste. D’autre part, ils doivent également être formés à l’usage de leurs dispositifs d’alerte et aux procédures de sécurité à respecter en cas d’incident.

En France, les entreprises sont de plus en plus nombreuses à prendre conscience de la nécessité d’identifier et de protéger leurs salariés exerçant à des postes isolés. Elles peuvent d’ailleurs être soumises à des contrôles destinés à vérifier leurs dispositifs de sécurité pour leurs travailleurs isolés. A défaut d’avoir mis en place des mesures adéquates, l’employeur engagera sa responsabilité et sera soumis à de fortes pénalités.

* Article R237.10 du décret du 20 Février 1992 (Code du travail) et article R4543-19 version en vigueur du 14 septembre 2011 (Code du travail)

Crédit photo principale : © GORON

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