En Allemagne, la sécurité privée se porte bien. Le quatrième volet de notre tour d’Europe de la sécurité privée nous emmène à Berlin, où le marché a connu une croissance sans précédent depuis 2015. Non sans questionner les autorités.

Des effectifs de la sécurité privée doublés en moins de dix ans. Un chiffre d’affaires global frôlant la barre des 10 milliards d’euros, selon Statista (contre 7 milliards en France, selon l’Insee)… c’est peu dire que le marché allemand de la sécurité privée affiche une santé insolente. Outre-Rhin, la croissance du secteur est sans commune mesure en Europe. Entre 2015 et 2016, le marché a même connu un bond de 28 % de son chiffre d’affaires ! À côté, la France fait pâle figure avec ses 4 points de gagnés sur la même période. Comment expliquer un tel essor ?

Entre 2015 et 2016, le marché de la sécurité privée a connu un bond de 28 % de son chiffre d’affaires !

Le principal facteur avancé par les experts est d’ordre géopolitique. En 2015-2016, l’Allemagne accueillait de nombreux réfugiés. En réaction, – et même si les chiffres de la criminalité sont restés stables – une montée du sentiment d’insécurité s’est faite ressentir dans le pays, relayée par certains organes politiques et médias. De surcroît, cet accroissement soudain de la population a entraîné mathématiquement une hausse des besoins en sécurité pour protéger les nouveaux logements construits, par exemple.

Autre explication avancée : le terrorisme. Fin 2016, le pays connaissait un attentat retentissant au cœur de Berlin avec une attaque au camion-bélier sur le marché de Noël. Résultat de cette “annus horribilis” – l’Allemagne a connu 8 attaques au cours de sur cette seule année – le sentiment d’insécurité a considérablement augmenté la demande en alarmes, vidéoprotection et agents de sécurité. À la suite de l’attentat du marché de Noël, le gouvernement de la chancelière Angela Merkel lançait également un vaste plan national pour étendre la vidéoprotection dans les lieux publics, augmentant de fait le chiffre d’affaires du secteur privé qui déploie ces technologies.

Face à des attaques plus meurtrières, la France a, quant à elle, plutôt choisi la voie de la réorganisation (nouvelle législation et renforcement des prérogatives du secteur privé comme l’autorisation étendue des palpations et du port d’armes par les agents privés). Pour faire simple, là où le gouvernement français choisit la loi comme principal outil de lutte contre le terrorisme, l’Allemagne n’hésite pas à sortir le chéquier.

Une croissance de la sécurité privée relative

Pour autant, cette forte croissance de la sécurité privée est à relativiser puisque, depuis l’impressionnant bond de 2016, le chiffre d’affaires du secteur stagne, peinant à passer la barre symbolique des 10 milliards d’euros. Entre temps, le soufflé semble être retombé et le temps de la régulation est  arrivé. 

C’est que la croissance n’a pas forcément profité aux acteurs les plus qualitatifs. Devant l’avalanche d’appels d’offres, les entreprises privées les plus installées ont souvent dû céder la place à de plus petites sociétés, moins qualifiées et cassant les prix, quitte à embaucher des personnels moins aptes et à falsifier des certifications dans certains cas. Les cinq plus grandes entreprises allemandes du secteur ne représentent ainsi plus que 25 % du marché, là où elles occupent plus de 35 % du chiffre d’affaires en France.

“Les anciennes normes ne sont tout simplement plus valables”

Une accélération des réformes

Les anciennes normes ne sont tout simplement plus valables”, proclamait ainsi l’ancien président de l’Office fédéral de police criminelle (BKA), Jörg Ziercke en 2017. Résultat : le législateur allemand s’est emparé du sujet et multiplie les réformes depuis cette date. Par exemple, la formation obligatoire a été doublée passant à 80 heures et la vérification des antécédents des agents a été renforcée avec un renouvellement tous les cinq ans. De même, l’Etat en a profité pour créer un registre des agents partagé avec les forces de l’ordre afin de mieux contrôler le secteur. Après la croissance effrénée, l’heure de la régulation a désormais sonné en Allemagne.

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