Cela ressemble à un talkie-walkie miniature posé sur la veste des agents des forces de l’ordre. Les caméras-piétons peuvent filmer et enregistrer les interventions des policiers, gendarmes, et de certains agents de sécurité. En France, le ministère de l’Intérieur vient de passer une commande massive pour équiper les policières et policiers de ce dispositif, tandis que les maires sont de plus en plus nombreux à tester les caméras-piétons pour les policiers municipaux. De son côté, la SNCF commence également à développer cette solution pour ses agents de sécurité. Va-t-on assister à une généralisation de cet outil en 2021 ?

Pour les caméras-piétons, tout s’est joué en trois dates. En 2012, le ministère de l’Intérieur lançait les premières expérimentations pour tester ce dispositif destiné à filmer les interventions des forces de l’ordre. Quatre ans plus tard, un décret venait entériner la possibilité pour les policiers nationaux et les gendarmes d’être équipés de caméras-piétons. Dernière évolution en date en 2019 : la place Beauvau décide d’étendre cette autorisation à d’autres professionnelles et professionnels de la sécurité. D’abord aux policiers municipaux, puis, à titre expérimental, aux surveillants de prison, aux sapeurs-pompiers et aux agents de sécurité privée chargés d’une mission de sécurité publique. 

Ruée sur les caméras-piétons

Grâce à cette ouverture progressive de la réglementation, le dispositif des caméras-piétons a rapidement équipé de nombreux agents sur tout le territoire. En première ligne, les polices municipales se sont précipitées sur ce nouvel outil. Selon les chiffres du ministère de l’Intérieur, 392 communes représentant 10 % des effectifs des polices municipales ont ainsi candidaté pour les phases d’expérimentation de cette technologie, avant même les décrets de 2019. Et, depuis ces décrets, les annonces se multiplient. Montreuil, Agen, Lens… les caméras-piétons enrichiront bientôt la panoplie des policiers municipaux de nombreuses communes en France. 

392 communes, représentant 10 % des effectifs des polices municipales, ont candidaté pour les phases d’expérimentation des caméras-piétons.

À l’échelle nationale, le ministère de l’Intérieur n’est pas en reste. Fin 2020, il lançait un appel d’offres pour commander près de 30 000 caméras-piétons, afin d’équiper les forces de l’ordre au cours de l’année 2021. Côté privé, certaines entreprises ont aussi profité de l’autorisation de ces dispositifs à titre expérimental. La SNCF a ainsi équipé 1 400 de ses 2 800 agents de sécurité de caméras-piétons, dès le début de l’année 2020. 

Les caméras de la confiance

Un tel engouement ne sort pas de nulle part. Les acteurs de la sécurité en France ont bien compris les avantages des caméras-piétons. “Nous allons généraliser avant la fin du quinquennat les caméras-piétons, qui permettent (…) de rétablir la confiance entre la population et la police”, annonçait le président de la République, Emmanuel Macron, lors de son allocution du 14 juillet 2020. Confiance. Le mot est d’ailleurs sur les lèvres de tous les partisans des caméras-piétons. Suite à la diffusion sur les réseaux sociaux de plusieurs actes de violence de policiers et de policières, les autorités espèrent que les caméras-piétons pourront rétablir le lien de confiance entre les citoyens et les gardiens de la paix. “C’est un moyen de se protéger. Quand on dit à l’individu que la scène est filmée, en général, le ton baisse. Et au moins, on pourra justifier s’il y a interpellation”, témoigne un policier municipal interrogé par Le Parisien. La présence de la caméra, même si l’agent ne l’active pas, suffit généralement à faire baisser la tension avec les personnes interpellées et, en cas d’activation, elle peut servir de preuve si l’intervention tourne mal. Dans la commune de Savigny-sur-Orge (Essonne), les autorités assurent même que les outrages à agents sont devenus inexistants, grâce aux caméras-piétons. Même son de cloche à la SNCF : “Les caméras fournissent (…) des preuves audiovisuelles qui n’existaient pas par le passé. Le son joue un rôle très important, car l’enregistrement des échanges entre les agents et les mis en cause apporte une réelle plus-value pour les enquêtes des officiers de police judiciaire”, explique Christophe Fois, responsable du pôle Sécurité Métier de la SNCF, au magazine Clubic.

Six mois et puis s’en va

Cependant, ces premiers retours du terrain ne convainquent pas tout le monde. “Les caméras-piétons des agents ne sont pas du tout un système de contrôle de la police, parce que le déclenchement de la caméra est au bon vouloir du policier”, argumente Martin Drago, juriste à la Quadrature du net. Autre inquiétude des détracteurs du dispositif : la confidentialité des données. Pour y répondre, la loi prévoit que les images enregistrées doivent être effacées six mois après les faits. De surcroît, les citoyens et citoyennes filmés peuvent demander à visionner les images sur lesquelles ils apparaissent. 

“Le son joue un rôle très important, car l’enregistrement des échanges entre les agents et les mis en cause apporte une réelle plus-value pour les enquêtes.”

Mais c’est un autre point qui inquiète certains défenseurs des droits. Avec la transmission des images en temps réel aux PC sécurité prévue par le projet de loi Sécurité globale, ils craignent la généralisation de la reconnaissance faciale par le biais des caméras-piétons. Le risque selon eux ? Que les algorithmes commettent des erreurs d’identification qui peuvent conduire à des erreurs administratives. D’autant que le projet de loi Sécurité globale ne précise pas si la reconnaissance faciale peut être utilisée ou non via les caméras-piétons. 

Et la sécurité privée dans tout ça ? 

On l’aura compris : le débat se concentre sur l’utilisation des caméras-piétons par les policiers et les policières ainsi que les gendarmes. Mais qu’en est-il des agents de sécurité privée ? Pour le moment, les décrets sont clairs : les caméras-piétons ne peuvent être expérimentées que dans le cadre de mission de sécurité publique, comme c’est le cas pour les agents de la SNCF. Lorsque les agents opèrent sur un lieu privé (un magasin, par exemple), ils ne peuvent pas, en revanche, être équipés d’un tel dispositif. Et cette généralisation ne semble pas à l’ordre du jour.

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