Et si la centralisation des services de vidéoprotection au niveau départemental se révélait être un atout pour la protection des droits des citoyens ? C’est la thèse défendue par Laurent Rochette, directeur général délégué de Seine-et-Yvelines Numérique, l’opérateur public interdépartemental qui mène actuellement un projet de mutualisation de la vidéoprotection pour ses établissements publics. Éclairage. 

La mutualisation des services de vidéoprotection des établissements publics fait partie des missions de Seine-et-Yvelines Numérique. Ce syndicat mixte ouvert réunit des adhérents tels que deux départements d’Île-de-France (Hauts-de-Seine et Yvelines), 9 intercommunalités, des membres tel que le SDIS 78 (Service départemental d’incendie et de secours des Yvelines) et une trentaine de communes de ces deux territoires. Son but : concevoir et promouvoir des projets numériques ambitieux pour ses adhérents et membres. Parmi eux, la centralisation des services de vidéoprotection pour les quelque 116 collèges du département des Yvelines, 70 bâtiments administratifs et 43 casernes de pompiers. Objectif : mutualiser les expertises sur le sujet, mettre en place les projets de videoprotection et offrir une infrastructure centralisée, pour le stockage, le visionnage et l’extraction des images. Laurent Rochette, directeur général délégué de Seine-et-Yvelines Numérique, nous explique les enjeux et les défis d’un tel projet. 

Lors de votre intervention pour le dernier séminaire de l’Agence nationale de la vidéoprotection (AN2V), vous expliquiez que mutualiser la vidéoprotection est le gage d’un meilleur respect des droits des citoyens. En quoi est-ce le cas ?

Laurent Rochette : Il s’agit d’un des principaux avantages de la mutualisation des services de vidéoprotection, au-delà des aspects économiques qui sont évidents puisque l’on évite de dupliquer dans chaque établissement des infrastructures identiques. Aujourd’hui, sans mutualisation, il est impossible de contrôler les installations de vidéoprotection de tous les bâtiments et établissements publics. Par exemple, comment savoir si un responsable de site ne dévoie pas son système local pour surveiller le comportement de ses collaborateurs,  en toute bonne foi mais en contravention avec les textes ? Comment contrôler l’utilisation réelle de la vidéoprotection dans près de 200 sites des Yvelines ? La mutualisation permet d’éviter ces manquements à la réglementation. Désormais, si la Cnil (Commission nationale de l’informatique et des libertés) souhaite auditer l’utilisation des caméras de vidéoprotection dans nos collèges, elle peut se rendre en un seul et même lieu : le Centre départemental de supervision des images.

“Sans mutualisation, il est impossible de contrôler les installations de vidéoprotection de tous les bâtiments et établissements publics.”

De surcroît, Seine-et-Yvelines Numérique permet de garantir le respect de la législation. Nous accompagnons, en effet, tous nos adhérents dans la mise en place du dispositif de vidéoprotection décliné sur leur site avec nos experts. Par exemple, nous veillons à ce qu’il n’y ait aucune caméra dans les salles de classe puisqu’il est interdit de filmer un professeur dans l’exercice de ses fonctions. De même, les cours de récréation ne sont pas filmées lorsque les élèves s’y trouvent, puisque la Cnil considère ce moment comme faisant partie de la vie privée des collégiens. En bref, nous connaissons toutes les subtilités de la législation actuelle et évitons que les droits des citoyens soient bafoués. Tous les projets que nous entreprenons sont validés par une commission départementale administrée par des magistrats. 

Diriez-vous justement que la législation actuelle vous permet de mener à bien tous les projets de mutualisation de la vidéoprotection, ou souffrez-vous de certains freins ?

Nous faisons aujourd’hui face à une véritable limite liée au droit. Dans les textes, les pouvoirs de police du maire ne sont pas transférables ni délégables. Or la vidéoprotection est considérée comme partie intégrante du pouvoir de police. Par conséquent, nous, syndicat mixte ouvert, qui comptons des adhérents communaux et départementaux, ne pouvons pas assurer le visionnage des images de la voie publique dans notre centre de supervision des images. Résultat : notre projet de mutualisation ne peut pas englober les communes et les caméras disposées sur la voie publique. Cela empêche la mise en place d’un vrai continuum de sécurité. Par exemple, lorsqu’un établissement est attaqué ou dégradé, nous pourrions suivre les délinquants sur la voie publique et faire gagner ainsi un temps considérable aux forces de sécurité intérieure. Nous souhaitons vivement que cet aspect limitant soit révisé à l’occasion du vote de la loi sur la « sécurité globale »

Sans compter que mutualiser la vidéoprotection en englobant les communes générerait un véritable gain d’efficacité. Nous mettons ainsi en place un procédé d’alerte pour détecter automatiquement certaines infractions sur les milliers de vidéos collectées en temps réel. Un tel projet est difficilement envisageable au niveau d’une commune qui n’a pas forcément le budget et l’infrastructure nécessaires. Au niveau interdépartemental en revanche, nous pouvons le faire.

Si la mutualisation des services de sécurité et de sûreté présente de nombreux avantages, à quel échelon est-elle le plus efficace selon vous (départemental, régional, national) ?

L’échelon départemental ou interdépartemental me semble être le bon. Il faut maintenir une certaine proximité avec les sites couverts. L’étape suivante consiste, selon moi, à mutualiser avec d’autres acteurs sur nos territoires : les bailleurs sociaux, les hôpitaux, etc. Les possibilités – et les économies – sont considérables.

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