Un rapport parlementaire portant sur la co-production de sécurité a été remis au Premier Ministre le 11 septembre 2018. Ce texte dresse notamment l’état des lieux de la sécurité privée en France et liste une série de propositions pour renforcer son rôle dans le continuum de sécurité.

Le 5 février 2018, l’ancien Ministre de l’Intérieur Gérard Collomb annonçait vouloir renforcer le rôle de la sécurité privée dans la mission de sécurisation et de protection des Français. Cette idée n’est pas nouvelle. En effet, pour compléter l’idée d’une « co-production » de la sécurité développée depuis plusieurs années, on évoque aujourd’hui un “continuum de sécurité” pour définir la contribution conjointe et complémentaire des trois grands acteurs que sont les forces régaliennes (police et gendarmerie), les policiers municipaux et les sociétés de sécurité privée.

Pour mieux éclairer les conditions de cette « co-production », le Ministre a suggéré la conduite d’une mission parlementaire sur le sujet.

Le rapport de cette dernière a été présenté au Premier Ministre le 11 septembre 2018, par les députés Alice Thourot et Jean-Michel Fauvergue. Intitulé “D’un continuum de sécurité vers une sécurité globale”, il tente une approche exhaustive du périmètre d’action de chacun des acteurs de la sécurité. Nous nous sommes toutefois concentrés sur l’état des lieux et les préconisations qui concernent spécifiquement la sécurité privée. Voici ce que nous retenons du rapport.

La sécurité privée en plein essor

Depuis les attentats tragiques de l’année 2015 et dans le contexte actuel de menace terroriste, la présence d’agents pour sécuriser les espaces publics et privés se serait fortement accrue. En témoigne la nette hausse des effectifs (167 800 salariés fin 2016, soit + 4,6% par rapport à 2011) ainsi que celle du chiffre d’affaires dégagé par les sociétés de sécurité privée. Celui-ci a progressé de 10% en seulement deux ans. Sur un plus long terme, le nombre de sociétés de sécurité privée a même doublé depuis les années 1990, pour dépasser aujourd’hui les 10 000 entreprises.

Cette montée en puissance du secteur s’est accompagnée d’une évolution du cadre juridique ces dernières années. A titre d’exemple, la loi du 30 octobre 2017 a autorisé  les agents privés de sécurité à intervenir dans un périmètre de protection, sous l’autorité d’un officier de police judiciaire. En 2015, Le Conseil Constitutionnel avait également reconnu que les entreprises exerçant des activités privées de sécurité “sont associées aux missions de l’Etat en matière de sécurité publique”.

Dans les faits, cette évolution s’illustre d’ailleurs par de beaux exemples de partenariat public-privé réussis, sur lesquels les pouvoirs publics s’appuient. C’est par exemple le cas du dispositif de sûreté mis en place dans les aéroports ou encore du transport de fonds. Missions pour lesquelles les agents de sécurité font preuve d’un dévouement et d’un professionnalisme remarqués.

… Néanmoins fragilisée par une image peu flatteuse

Le rapport parlementaire souligne toutefois que la sécurité privée demeure “un secteur à la fois fragile, éclaté et critiqué”. Pour expliquer cette image peu flatteuse dont il souffrirait, le rapport relève notamment deux facteurs.

D’une part, il pointe l’éclatement du secteur en diverses spécialités : la surveillance classique, le gardiennage, la sécurité portuaire et aéroportuaire, la surveillance des sites sensibles, la protection physique, le transport de fond,etc. Si cette pluralité devrait être un atout, elle prend plutôt la forme d’une division qui soumet le secteur à des rivalités et une concurrence peu avantageuses.

Autre problème majeur : par souci de rentabilité, les entreprises embauchent le plus souvent des agents peu qualifiés et mal rémunérés. Une démarche qui pèse souvent sur la qualité des services fournis, et soumet le secteur à un important turn-over.

Alors, comment améliorer ces conditions de manière à renforcer le rôle de la sécurité privée et la qualité de cette co-production de sécurité ?

Les propositions du rapport parlementaire

Le rapport parlementaire préconise une trentaine de mesures dédiées à la sécurité privée, que nous avons rassemblé en cinq grands enjeux.

1. Redonner de la crédibilité au secteur de la sécurité privée, de manière à rétablir la confiance auprès des clients privés (entreprises, institutions, etc.) et du grand public. Cela passe notamment par des efforts en terme de recrutement et de formation. Par exemple, s’assurer de la qualité des recrutements, approfondir les enquêtes de moralité, contrôler les organismes de formation et habiliter des formateurs qualifiés.

2. Valoriser les activités de sécurité privée. D’après le rapport, il est impératif de redresser l’image du secteur pour attirer des professionnels motivés et compétents. Cette idée va de pair avec le besoin de valoriser les salariés du secteur : le déroulement de leur mission doit leur permettre de se sentir reconnus, et de les conforter dans leur sentiment de contribuer à la mission de protection des Français. Ces professionnels — souvent victimes d’insultes ou d’agressions — doivent également bénéficier d’une forme de protection juridique, tout comme les agents publics.

3. Mieux équiper les agents de sécurité sur le terrain pour plus d’efficacité. La mission parlementaire envisage notamment de faciliter l’accès à des moyens techniques, modernes et connectés pour améliorer l’opérationnalité des agents. Par ailleurs, loin de prôner le port d’armes généralisé pour tous les agents privés, le rapport parlementaire évoque la possibilité d’armer certains professionnels investis de missions de sûreté dangereuses.

4. Renforcer la collaboration avec les forces de sécurité de l’État. Concrètement, le rapport suggère d’associer les sociétés privées de sécurité et les donneurs d’ordre aux comités locaux de sécurité, organisés au sein des collectivités. Il propose également de confier à des sociétés privées, des missions actuellement exercées par les forces de sécurité de l’Etat — comme en matière de garde statique, transfert et garde de détenus — , et d’élargir leurs interventions à de nouvelles thématiques.

5. Revoir les conditions de contrôle et de régulation de la sécurité privée. Comment ? En réformant le CNAPS (Conseil national des activités privées de sécurité réformé) de manière à étendre le champ de ses contrôles, renforcer les sanctions prises et prévoir de nouvelles modalités d’évaluation des dispositifs de sécurité et de sûreté.

Un accueil timide et mitigé par les professionnels

Les réactions de la profession à ce rapport par la voie de ses organisations représentatives — comme l’USP et le SNES — ou de certaines personnalités vont du commentaire prudent à l’expression d’une certaine déception.

Si ce rapport est globalement bien accueilli car il met en relief des difficultés réelles du secteur d’activité, il ne déclenche guère d’enthousiasme quant aux évolutions suggérées.

 

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