Dans un monde en perpétuelle mutation, où les crises non seulement se succèdent mais aussi s’enchevêtrent et s’intensifient, il est devenu impératif de remettre fondamentalement en question nos approches classiques de la gestion de crise. Nous sommes entrés dans une ère de “permacrise”, où l’instabilité devient la nouvelle norme. De la cyberattaque au scandale médiatique, en passant par les ruptures d’approvisionnement ou les bouleversements géopolitiques et climatiques, toutes les entreprises, sans exception, y seront un jour confrontées.Face à cette réalité, les organisations s’enferment trop souvent dans des réponses normatives, techniques et standardisées. Ces approches, bien que rassurantes en apparence, se révèlent profondément inadaptées à la complexité des situations réelles. Un changement de paradigme n’est plus seulement souhaitable, il est devenu indispensable. Il est temps de sortir du réflexe normatif pour entrer dans l’ère de la réponse incarnée : une réponse qui n’est pas celle qui coche des cases, mais celle qui répond réellement, humainement et durablement aux attendus. L’émergence d’un nouveau paradigme : l’acronyme C.R.I.S.E. Pour répondre à ce besoin de transformation, il convient de répondre à ce que nous apprend l’acronyme C.R.I.S.E. Loin d’être une simple check-list, cette approche propose un changement radical de posture vers un modèle proactif, agile et adapté. Elle ne vise pas à remplacer les outils classiques, mais à les compléter en y insufflant le souffle du réel, la flexibilité du terrain et l’intelligence des relations humaines. Il s’agit d’oser réinventer en pleine incertitude, tout en gardant un cap éthique et humain. C – Créer un modèle de réponse qui n’existe pas Le premier principe de cette nouvelle approche est de reconnaître que chaque crise est unique. Par conséquent, vouloir y répondre avec une grille préétablie, aussi solide soit-elle, revient à poser un moule rigide sur une matière en perpétuel mouvement. La véritable agilité consiste à créer une réponse sur mesure, conçue à partir des faits, des impacts et des attendus des parties prenantes . Cela implique d’avoir le courage de sortir du cadre, d’oser l’inédit et de mobiliser l’intelligence collective pour concevoir des réponses nouvelles face à des situations inédites. Il faut oser l’innovation tactique et stratégique en s’adaptant à la réalité du terrain. R – Rassembler les compétences et ressources nécessaires Une crise ne se gère jamais seul. Elle exige un décloisonnement total des expertises, une mise en synergie des ressources internes comme externes, et une mobilisation rapide des talents les plus adaptés. Aucune cellule de crise ne peut réussir en vase clos. La clé du succès ne réside pas seulement dans l’organigramme formel, mais dans la capacité à créer un collectif opérationnel en temps réel. Il s’agit de rassembler autour de la table les bonnes personnes, avec les bons outils, au bon moment. En savoir plus Que signifie bien gérer une crise ? En savoir plus Que signifie bien gérer une crise ? I – Installer la rationalité par l’implémentation du plan d’action Le chaos inhérent à une crise appelle obligatoirement de la méthode. Mais pas n’importe laquelle. Il ne s’agit pas de dérouler un plan de gestion des poussiéreux et figé, mais bien d’installer une “rationalité vivante”, en parfaite cohérence avec la crise telle qu’elle se présente. Le plan d’action doit devenir la base de travail, orienté vers la résolution des impacts, des attendus des parties prenantes impactées et fondé sur des objectifs réalistes, des indicateurs pertinents et un pilotage dynamique. L’objectif est de sortir de l’émotion pure véhiculée pour installer de la rationalité, des jalons et des décisions assumées. S – Suivre l’évolution de la situation pour adapter la réponse En gestion de crise, le temps est un facteur-clé. Ce qui est vrai à un instant T peut être complètement obsolète deux heures plus tard. Une vigilance de tous les instants est donc indispensable. Il faut savoir observer, écouter, mesurer et questionner en permanence. L’adaptation continue n’est pas un luxe, mais une exigence fondamentale. Cela suppose une capacité à revenir constamment sur les décisions prises et à ajuster le cap avec lucidité et courage. Une crise ne se gère jamais seul. Elle exige un décloisonnement total des expertises, une mise en synergie des ressources internes comme externes, et une mobilisation rapide des talents les plus adaptés. E – Écouter les attentes des parties prenantes Une crise est toujours, et avant tout, une affaire de perception. Gérer la situation d’un point de vue purement opérationnel est insuffisant ; il est crucial de gérer les impacts vécus par les individus. Cela ne peut se faire sans une écoute active, sincère et ouverte des parties prenantes, qu’elles soient internes ou externes. La communication de crise seule ne suffit pas, ne suffit plus : il faut comprendre et intégrer les perceptions. Il est vital de se rappeler que le silence est un vide que d’autres rempliront si rien n’est entrepris. C’est cette écoute qui permet d’ancrer la légitimité de l’action, d’apaiser les tensions et de reconstruire la confiance. Sans écoute, il n’y a pas de légitimité, et sans légitimité, aucune reprise de contrôle n’est possible. Face à cette nouvelle réalité, une ligne de fracture se dessine, séparant deux catégories d’organisations. D’un côté, il y a celles qui ont compris que la gestion de crise ne peut plus se résumer à une norme ou à l’illusion d’une expérience passée. Ce sont les entreprises prêtes à suivre les valeurs fondamentales décrites par l’acronyme crise, capables de faire face à l’inconnu avec méthode et humanité. De l’autre côté, il y a celles qui persistent à croire qu’un plan figé suffira face à l’imprévisible. Celles-là seront contraintes de subir, de répondre trop tard, ou pire, de disparaître sous les effets démultipliés de la « permacrise ». Se préparer n’est plus une option, c’est une obligation. Il ne suffit plus d’avoir un plan ; il faut cultiver une méthodologie vivante, un état d’esprit et une culture de l’acceptation. La véritable gestion de crise commence bien avant qu’elle ne surgisse, car il est toujours trop tard pour se préparer lorsque la crise est déjà là. Facebook Twitter LinkedIn VOIR SON PROFIL LILIAN LAUGERAT PRÉSIDENT DE SOLACE ET EXPERT EN GESTION DES RISQUES SÛRETÉ Lilian Laugérat dirige le cabinet de conseil Solace, spécialisé dans l'analyse des risques sûreté et la posture de gestion de crise. Solace est une entité de Cecys Group, filiale du Groupe Goron. Lire aussi Vacances d’été : comment sécuriser un site en activité réduite ? Sécurité & Sûreté humaine 29 juillet 2025 «Été» ne rime pas qu’avec congés et ralentissement. Pour les entreprises, c’est aussi une période de vigilance accrue. Fermetures temporaires, effectifs réduits, télétravail massif : autant de facteurs qui affaiblissent la présence humaine sur site… et renforcent mécaniquement les risques. Intrusions, incendies, fuites techniques non détectées à temps : les… Canicule et risques d’incendie : quels dangers pour les locaux professionnels et comment protéger son entreprise ? Sécurité & Sûreté humaine 15 juillet 2025 Un été sous haute tension pour les entreprises L’été 2025 s’annonce comme l’un des plus chauds jamais enregistrés en Europe, avec des canicules précoces et intenses qui mettent en alerte l’ensemble du territoire. 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