Le phénomène est tristement récurrent aux États-Unis, et n’épargne plus l’Europe, en particulier la France marquée par les attentats du 13 novembre 2015. Alors que les forces de sécurité publique se préparent régulièrement pour intervenir lors d’actes terroristes et tueries de masse, qu’en est-il des acteurs de la sécurité privée ?

Une menace qui s’étend à l’Europe et à la France

Les tueries de masse désignent le meurtre programmé de plusieurs personnes dans un même lieu et dans une courte période, le plus souvent par arme à feu. Quand il s’agit d’actes terroristes, les motifs peuvent être raciaux, religieux, politiques, etc. Pour le FBI, on évoque une tuerie de masse lorsqu’au moins quatre personnes sont tuées. Aux États-Unis, ce phénomène fait régulièrement la une. Au printemps 2021, le pays dénombrait déjà 30 personnes assassinées lors d’une tuerie de masse.

Loin de ne concerner que les seuls États-Unis, ces actes ont également atteint l’Europe ces dernières années. Ainsi, fin 2019, l’Institut flamand pour la paix comptabilisait entre 2009 et 2018, 23 tueries de masse dans 15 pays du Vieux Continent. Et la France a payé un lourd tribut. 

Le tournant des attentats du 13 novembre 2015

Les attentats du Bataclan, des terrasses des 10e et 11e arrondissements de Paris et du Stade de France, qui font 130 morts le 13 novembre 2015 de façon quasi simultanée, marquent une bascule dans la prise en compte du risque par l’ensemble des acteurs de la sécurité. Dès décembre de cette même année, la police nationale édite plusieurs notices à destination de ses personnels amenés à intervenir les premiers.

Car si les unités d’élite spécialisées de la gendarmerie (GIGN) et de la police (BRI, RAID) sont rompues de longue date à ces interventions, il s’agit désormais de sensibiliser et de préparer leurs collègues aux techniques à appliquer, et aux conduites à tenir.

Les attentats du 13 Novembre ont marqué un tournant pour la sécurité privée en France.

Dès lors, policiers, gendarmes et policiers municipaux ne vont cesser de s’entraîner et de se former à ce risque majeur, au gré d’exercices grandeur nature. Se protéger, évacuer la zone, rendre compte de la situation, tenter de fixer l’assaillant, voire le neutraliser si nécessaire, représentent quelques-uns des axes de travail. 

Les sapeurs-pompiers ne sont pas en reste. Une « doctrine opérationnelle tuerie de masse » est éditée dès 2016. Et l’École nationale des officiers sapeurs-pompiers délivre des formations spécifiques en ce sens. 

Les agents de sécurité privée formés à ce risque spécifique

Plus aucun site n’étant à l’abri, le secteur de la sécurité privée prend donc logiquement sa part dans la lutte contre les tueries de masse. Ainsi se développent des offres de formation adaptées à cette menace.

Plus aucun site n’étant à l’abri, le secteur de la sécurité privée prend donc logiquement sa part dans la lutte contre les tueries de masse.

Et dans ce cadre, les agents sont notamment formés à connaître les matériels utilisés par les terroristes, développer des réflexes de prévention et de sécurité face aux menaces, détecter et prévenir, se protéger et protéger le public, alerter les forces de l’ordre et les secours puis faciliter leur intervention… Signe que les agents ont pleinement un rôle à jouer en appui et en complément des autres acteurs de la chaîne d’intervention.

La prise en compte de ce risque atteint également le monde de l’entreprise, avec des formations à destination des responsables sûreté et sécurité, et des responsables de sites OIV/PIV (qui exploitent des installations essentielles à la vie de la Nation). Les enseignements portent généralement sur les modes opératoires des terroristes, l’organisation d’un confinement, la gestion d’une évacuation, et la réponse d’urgence en cas d’attentat.

Des évolutions régulières qui élargissent le champ d’action des agents

Outre le volet formation, les agents de sécurité privée ont régulièrement vu leurs prérogatives évoluer en lien avec cette menace spécifique. D’autant qu’elle cible particulièrement les lieux publics et/ou abondamment fréquentés par la population dont ils peuvent avoir la charge.

Ainsi, la loi du 28 février 2017 relative à la sécurité publique apportait « la possibilité pour les agents de sécurité privée d’être armés quand les circonstances exposent ces agents, ou les personnes se trouvant dans les lieux surveillés, à un risque exceptionnel d’atteinte à leur vie ». Le préfet ayant la responsabilité de désigner les lieux justifiant une telle surveillance armée privée.

Ensuite, la loi renforçant la sécurité intérieure et l’action contre le terrorisme promulguée le 30 octobre 2017 introduisait la notion de « périmètres de protection avec des mesures d’inspection et de filtrage, aux abords de ces zones, faites au besoin par des agents de sécurité privée ». Dans ce cas, ils pouvaient ainsi intervenir en complément des forces de l’ordre et sous l’autorité d’un officier de police judiciaire, pour un événement spécifique, d’une durée limitée dans le temps. Autre obligation : être spécialement habilités à cet effet et agréés par le préfet pour l’événement. En ligne de mire, les grands rendez-vous sportifs, les manifestations culturelles d’envergure…

La récente loi sécurité globale promulguée le 25 mai 2021 élargit encore le spectre des agents. Ainsi, « les agents titulaires d’une carte professionnelle n’ont plus besoin d’obtenir un agrément spécifique pour réaliser des palpations de sécurité dans le cadre des périmètres de sécurité ou à l’occasion des manifestations sportives, récréatives ou culturelles ». D’autre part, « les autorisations exceptionnelles d’exercice de missions de sécurité privée sur la voie publique, délivrées par les préfets de département, peuvent désormais être sollicitées pour un motif de surveillance contre les actes de terrorisme ».

Enfin, des décrets promulgués d’ici plusieurs mois pourraient autoriser l’activité strictement encadrée de détection d’explosifs à l’aide d’un chien pour les agents privés de sécurité. Les contours des missions des agents de sécurité privée dans le contexte de lutte contre les tueries de masse et les actes terroristes n’ont sans doute pas fini d’évoluer. Leur rôle pourrait s’intensifier encore.

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