Une période de crise – quelle qu’elle soit – impose à toutes les parties prenantes (impliquées et impactées) la mise en place d’une posture dérogatoire, une posture nouvelle. En d’autres mots, tout ce que nous avions prévu ou programmé est bousculé, balayé, modifié en profondeur. Et les contraintes imposées sont souvent à l’opposé de notre zone de confort. La crise actuelle du coronavirus ou Covid-19 ne fait pas exception. Lilian Laugerat, président de Solace et expert en gestion de crise, décrypte les premiers enseignements de la situation exceptionnelle que nous vivons, et de sa gestion. En bref > La crise actuelle est exceptionnelle, en ce qu’elle concerne absolument tout le monde.> Dès lors, le comportement de chacune et chacun a un impact direct sur la gestion de la crise.> Plus que jamais, la discipline de tous permettra de sortir de la crise. La crise du coronavirus ou Covid-19 possède une caractéristique singulière : elle concerne et impacte tout le monde, toutes les parties prenantes, sans exception. Elle demande de changer nos habitudes, de faire des efforts nouveaux, et d’appliquer un modèle dans lequel la règle absolue est la discipline dans l’exécution et le suivi des décisions. Pour cela, plusieurs principes de la gestion de crise sont appliqués, dès à présent. Des principes de la gestion de crise d’ores et déjà appliqués En période de crise, le rôle d’une cellule de crise – quel que soit son périmètre d’intervention – consiste à gérer les impacts, comme les parties prenantes. Les impacts sont classés en cinq catégories : personnes, activités, image, responsabilités et finance (PAIRF). Si cet acronyme commence par l’impact “personnes”, ce n’est pas un hasard. La priorité numéro un, dans ce genre de circonstances, consiste à prendre en compte l’impact immédiat et potentiel sur les personnes. En d’autres mots, sur les victimes immédiates, et à venir. En temps de gestion de crise, la priorité est la gestion des conséquences, et non pas celle des causes. Dans le cas de la pandémie de Covid-19, la mesure de confinement a pour objectif de minimiser les impacts potentiels (la surcharge du système de santé, notamment), et de se laisser une marge de temps nécessaire pour se préparer au pic de l’épidémie. Une mauvaise gestion de cet impact aura à court et moyen terme des conséquences désastreuses sur la continuité de l’activité, notamment dans les hôpitaux, et sur la capacité à communiquer de manière rationnelle. Quant à l’impact financier, il ne fera que s’amplifier de manière exponentielle dans les semaines à venir. >> Lire aussi Covid 19 : quelle attitude pour les entreprises ? Pour ce qui est de la responsabilité, la recherche des causes sera une des préoccupations principales des parties prenantes. Même si les recherches sur le virus doivent se poursuivre, il est bon de rappeler qu’en temps de gestion de crise, la priorité est la gestion des conséquences, et non pas celles des causes. L’opinion publique, inconnue numéro un de la crise du Covid-19 Car il ne faut pas oublier qu’une des parties prenantes importantes en période de crise reste l’opinion publique, composée d’une somme d’individus. En temps normal – et même avant de savoir si elle est impactée directement ou indirectement –, l’opinion publique a tendance à rechercher un coupable. Les réseaux sociaux sont alors le moyen idéal pour que chacun puisse exprimer son avis et son jugement. Toute personne a la possibilité de devenir expert dans un domaine du jour au lendemain, et ainsi de répandre de fausses informations sur un périmètre incontrôlable. Le tout alimenté par les chaînes d’informations permanentes où se mélangent en fonction du moment les vraies et fausses expertises, renforçant ainsi toutes les théories évoquées. Nous sommes tous impliqués dans la gestion de cette crise, et impactés par ses conséquences. Pourtant, une des caractéristiques du Covid-19 est que cette pandémie nous concerne tous. Nous sommes tous impliqués dans la gestion de cette crise, et impactés par ses conséquences. Comment, dès lors, gérer une telle crise avec des millions – des milliards – de personnes actrices ? La gestion de crise parfaite n’existe pas Rappelons-le : l’être humain n’est pas programmé pour gérer des crises. Il apprend. Tout véritable gestionnaire de crise le sait. Malgré toute l’expérience acquise, il faut toujours faire preuve de méthode et d’intuition. La gestion de crise parfaite n’existe pas, il y a toujours des erreurs, des loupés, et des décisions qui n’atteignent pas toujours les objectifs recherchés. Le gestionnaire de crise ne connaît que trop bien la réalité de cette période. Dans chaque choix et décision à prendre, il y a un prix à payer. Il existe un grand principe à appliquer en période de crise, et ce grand principe se nomme la discipline. Gérer l’impact sur les personnes, sans doute celui qui est le plus difficile, impose une discipline sans faille dans l’acceptation et le suivi des décisions prises. Si la population, donc l’opinion publique, ne les suit pas à la lettre, c’est obligatoirement un effet domino à terme sur les autres critères et les autres parties prenantes impliquées. L’être humain n’est pas programmé pour gérer des crises. Il apprend. Nous ne sommes qu’au début de cette gestion de crise. Si nous ne respectons pas cette discipline, nous atteindrons rapidement le point de catastrophe. En période de crise, nous pouvons, en effet, basculer vers deux hypothèses : soit l’application des mesures prises permet de gérer la sévérité des impacts, et de répondre aux attendus des parties prenantes,soit les décisions prises sont en décalage avec la réalité des impacts, et les attendus des parties prenantes. Cette deuxième hypothèse est appelée “crise à double détente”, comme le non-respect des décisions de confinement. Et cette double détente mène généralement au chaos. La manière dont nous gérons les crises, de manière individuelle ou collective, sera toujours le reflet de ce que nous sommes, et du contexte qui nous entoure. Le premier vrai constat de cette crise du coronavirus est de reconnaître que nous sommes dans une période de posture dérogatoire. Cela s’appelle la gestion de crise. Accepter cette donne, c’est déjà faire face à la réalité. Accepter cette réalité, c’est déjà l’affronter en respectant les règles édictées. Et nous ne pouvons que rendre hommage aux femmes et aux hommes de l’ombre, qui chaque jour, dans les hôpitaux, sur le terrain et dans les cellules de crise mobilisées, nous montrent à quoi peut ressembler cette acceptation. Facebook Twitter LinkedIn
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