Certes, la crise du Covid-19 n’est pas terminée. Pourtant, il est déjà temps de prendre un peu de hauteur, et de regarder ce qui nous attend dans un proche horizon. L’épidémie nous a montré la fragilité de notre modèle de réponse. Elle nous montre aussi que l’objectif n’est pas de revenir à la normale. Rien ne peut redevenir normal après une crise. Nous parlons du jour d’après, du monde d’après. Alors, voici quelques éléments à intégrer rapidement dans notre contexte actuel, dans les réflexions et dans nos défis présents et futurs. Lilian Laugerat, président de Solace et expert en gestion de crise, décrypte les nouveaux enseignements de la situation exceptionnelle que nous vivons.

Le XXIe siècle est d’ores et déjà celui de la sécurité sanitaire, de la sûreté et de la gestion de crise. Ces trois thématiques majeures sont désormais les piliers de la pyramide du management des risques. 

Nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Nous venons de découvrir qu’un “simple virus” pouvait, en quelques jours, remettre en question tout ce qui a été bâti en plusieurs années. Alors que nous acceptions l’existence de certaines maladies, le Covid-19 a ouvert une période où la sécurité sanitaire pour toutes et tous devient la norme. Plus rien ne sera comme avant, tant que nous ne serons pas assurés de maîtriser toutes les évolutions potentielles des virus. Nous entrons par définition dans une ère où le coronavirus – ou toute autre forme d’épidémie – aura sa déclinaison annuelle nécessitant de nouvelles mesures de protection. Des mesures qui intégreront, au gré de leur virulence, la distanciation physique, les gestes barrières, les masques et les périodes de confinement. Cette nouvelle donne impose à tout individu un apprentissage forcé des mesures.

De nouveaux risques, par-dessus la crise sanitaire

Les conséquences de cette nouvelle ère ne se limitent malheureusement pas à la sécurité sanitaire. Elles font apparaître également de nouvelles tendances dans le domaine de la malveillance.

Nous ne parlons pas de la malveillance traditionnelle, qui a toujours existé et existera encore au travers des âges. Il convient plutôt d’évoquer le nouvel eldorado du malveillant : la cybercriminalité. Le monde actuel a créé de toutes pièces un véritable espace permettant à une nouvelle génération de criminels d’agir en utilisant des modes opératoires qui ont, dans d’autres contextes, fait leurs preuves. La cible n’est plus l’humain, mais les données et les flux qui concernent l’activité – tout type d’activité. Chantage, demande de rançon, sabotage sont des scénarios de malveillance connus, et qui se transposent sans difficulté dans ce monde nouveau où l’innovation technologique est la règle.
La crise du Covid-19, et en particulier ses conséquences immédiates comme le confinement, a été un véritable accélérateur dans l’utilisation et le développement des technologies modernes de communication. Le télétravail, qui s’est imposé naturellement, a généré, sans le vouloir, une extension extraordinaire. Notre adversaire n’est plus au coin de la rue à attendre pour voler un sac, ou guettant une victime devant un distributeur de billets. Il est partout, proche de votre ordinateur, de votre smartphone, dans votre maison connectée, votre entreprise, et bientôt dans la smart city.

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Préparer un monde fait de nouveaux risques

Ces scénarios potentiels nous imposent de nous préparer à gérer des conséquences de plus en plus sévères sur la continuité des activités. Le terme usuel et maintes fois utilisé est celui de résilience. Si nous voulons vraiment sortir de cette épidémie beaucoup plus forts que le jour d’avant, il est temps d’installer les fondamentaux de la gestion de la crise dans notre quotidien, et d’accepter d’emblée les potentiels scénarios de crise. L’acceptation fait partie intégrante de la psychologie en période de crise. Nous ne pouvons pas gérer avec efficacité une crise si elle n’est pas acceptée par les parties prenantes. Les fondamentaux doivent être dispensés, non plus aux seuls décideurs, mais à la plus grande partie possible des parties prenantes. Chaque individu est un citoyen, et, par définition, un collaborateur dans le monde de l’entreprise ou des institutions. C’est en travaillant également à leur sensibilisation que les aspects de l’acceptation, de la coordination et de l’anticipation en ressortiront renforcés. C’est dans ces points que se trouve aujourd’hui l’une des clés de notre résilience. C’est ainsi que nous pourrons répondre au défi colossal qui se pose à nous : comment fédérer l’ensemble des citoyens pour faire face aux crises futures ?

Si nous voulons vraiment sortir de cette épidémie beaucoup plus forts que le jour d’avant, il est temps d’installer les fondamentaux de la gestion de la crise dans notre quotidien.

Accepter de perdre une partie du monde d’avant

Ce défi est directement confronté à un autre, plus profond. Il s’agit du retour en force de l’individu. La crise actuelle a été le révélateur de ce que nous sommes : l’individu recherche sa sécurité, au sens de la pyramide de Maslow, dans laquelle le besoin de sécurité est une des attentes fondamentales de tout être humain. Dès lors, son désir d’appartenance n’est plus la priorité. Il attend, de la part de tous les dirigeants, un nouveau pacte lui permettant de vivre dans des conditions normales d’intégrité, malgré les maux qui nous entourent. Et les attendus de cet individu entrent dans “la théorie de la compensation” du philosophe américain Ralph Waldo Emerson : “Pour chaque chose que vous avez manquée, vous avez gagné quelque chose d’autre ; et pour chaque chose que vous gagnez, vous perdez quelque chose d’autre”. Il est donc plus qu’urgent de déterminer ce que nous pouvons gagner dans cet horizon qui se profile, tout en acceptant de perdre une partie de ce qui existait dans le monde d’avant.

Lilian Laugerat

Président de Solace

Lilian LAUGERAT dirige le cabinet de conseils SOLACE spécialisé dans l'analyse des risques sûreté et la posture de gestion de crise.

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