En France, le leader mondial de la détection incendie, le groupe Honeywell, n’est qu’à la quatrième place des acteurs les plus importants du marché français. C’est que ce dernier reste à part. Retour avec Jean-Charles Peugniez, ingénieur commercial chez Honeywell, sur les spécificités de ce secteur, et sur les évolutions à venir.

« Le marché de la détection incendie est intimement lié aux normes », avertit d’emblée Jean-Charles Peugniez, ingénieur commercial chez Honeywell. Plus qu’aucun autre secteur de la sécurité et de la sûreté, la détection incendie évolue en fonction des autorisations nouvelles délivrées par les organismes régulateurs (comme l’Afnor, en France), et des obligations données aux entreprises de s’équiper. Au niveau mondial, le marché des détecteurs et alarmes croît donc en fonction des normes mises en place. Exemple avec l’Inde et son National Building Code établi en 2016. Cette régulation rend obligatoires les systèmes de détection de fumée dans les grands bâtiments du tertiaire comme de l’industrie. Résultat : les analystes de Grand View Research s’attendent à une croissance du marché de 38 milliards de dollars d’ici 2027 !

La France à part

En France, la situation est la même, d’un point de vue réglementaire. Pourtant, l’Hexagone se distingue de nombreux autres pays d’Europe. « Il est intéressant de constater qu’Honeywell est le numéro un de la détection incendie dans de très nombreuses régions du monde. Mais pas en France où le groupe se hisse à la quatrième place », détaille Jean-Charles Peugniez. 

Pour l’expert, pas de doute, cette différence vient d’une spécificité dans les normes françaises. Plus spécifiquement la norme NF S61-933. « Les fabricants de systèmes de détection habilitent des installateurs pour qu’ils déploient leurs technologies dans les entreprises. En France, cette habilitation possède plusieurs niveaux, contrairement à nos voisins. Ainsi, de nombreux fabricants décident de garder la main sur l’habilitation de dernier niveau, c’est-à-dire la maintenance », poursuit le spécialiste d’Honeywell. En somme, ils laissent les intégrateurs vendre et mettre en service leurs outils (les habilitations de premier niveau), mais ils veulent garder la main sur les évolutions, la maintenance, etc. (l’habilitation de dernier niveau). 
Un mode de fonctionnement fermé qui séduit de nombreux installateurs : « Beaucoup préfèrent ce mode de fonctionnement. En effet, toute la responsabilité en cas de problème reste du côté du fabricant. C’est donc beaucoup plus confortable pour l’installateur », explique Jean-Charles Peugniez. Raison pour laquelle Honeywell qui a opté pour l’approche inverse est relativement plus à la peine que sur d’autres marchés du monde. En effet, le groupe privilégie la formation et l’habilitation complète des installateurs avec lesquels il travaille. En somme, les intégrateurs sont autonomes pour accompagner leurs clients de A à Z, sans faire appel au fabricant.

Une prise de conscience ?

Pourtant, tout ne semble pas figé. « Les installateurs comme A2SI ou les clients eux-mêmes réalisent peu à peu à quel point la stratégie dominante leur coûte très cher : ils sont contraints de passer par un installateur qui leur facture, avec sa marge, les interventions du fabricant. Nous avons fait le calcul pour un groupement hospitalier récemment. Il possédait plus de 600 têtes de détection. En passant par une maintenance directement auprès de l’installateur, sans passer par le fabricant, il économisait 27 000 euros, par an ! », illustre l’expert. Peu à peu, les consciences évoluent donc.

L’après Lubrizol

D’autant qu’une série d’événements a marqué le marché français de la détection incendie. En avril 2019, la cathédrale Notre-Dame de Paris s’enflammait sous les yeux stupéfaits du monde entier. Quelques mois plus tard, c’est l’usine Lubrizol de Rouen qui subissait un incendie inédit. Autant d’événements qui ont augmenté considérablement la prise de conscience des entreprises quant aux risques incendie. « Par le passé, nous comptions environ une demande de devis par mois. Nous en enregistrons désormais plus de 3 par semaine ! L’usine de Rouen a particulièrement mis l’accent sur la sécurité des équipements périphériques aux sites Seveso. L’incendie s’est en effet déclaré dans des entrepôts gérés par un sous-traitant. Résultat : de nombreuses entreprises en périphérie des sites Seveso ont pris conscience de l’importance de se protéger de ces risques, et redoublent d’investissement pour y parvenir », explique l’ingénieur commercial d’Honeywell.

Une protection accrue qui passera également par l’évolution des technologies : « J’ai bon espoir que les caméras thermiques par exemple seront bientôt autorisées pour déclencher des alarmes lors de départs de feux. Les processus de mise en conformité sont longs pour notre marché – c’est bien normal : il y a des vies en jeu –, mais cela va fortement évoluer dans les années à venir », conclut Jean-Charles Peugniez. 

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