Dossier loi Sapin II #1

En France, la perception du risque de fraude et de corruption n’est clairement pas à la mesure des enjeux. Une impréparation qui coûte aux entreprises environ 5% de leur chiffre d’affaire par an.

La France est le pays européen le plus touché par la fraude aux entreprises en Europe, devant la Grande-Bretagne et l’Espagne. Ce constat traduit la défaillance voire l’absence d’un système opérationnel de lutte contre ce risque au sein des entreprises. La mise en place d’une politique proactive et globale pour s’en prémunir est donc un enjeu prioritaire.

Une inflation remarquable de la fraude en entreprise en France

Les études des cabinets Grant Thornton (2015) et PWC (2016) montrent que les entreprises françaises sont particulièrement vulnérables à la fraude et sont plus touchées que leurs homologues européens. En France deux entreprises sur trois en sont victimes chaque année. Tous les secteurs sont concernés avec une prévalence des banques, des entreprises de services et du bâtiment.

Ce risque a connu en cinq ans une inflation considérable : le cabinet PWC rapporte qu’en 2009, 29 % des entreprises déclaraient avoir été victimes d’une fraude. Ce chiffre a bondi à 55 % en 2014 et à 68 % en 2015, alors même que le taux mondial reste relativement stable à 36 %.

Les dommages de la fraude aux entreprises se traduisent évidemment sur le plan financier : chaque année, une entreprise sur trois subit un préjudice supérieur à 90 000 euros et pour 10 %, ce préjudice est supérieur au million d’euros. En moyenne, on estime que la fraude coûte à l’entreprise entre 5 et 7 % de son chiffre d’affaires, ce qui représente un impact colossal sur le tissu économique national.

Par ailleurs, la révélation d’une affaire de fraude peut également avoir un impact considérable sur l’image de l’entreprise, le moral de ses salariés et peut conduire à dégrader durablement son réseau commercial, voire, dans certains cas majeurs, à sa faillite pure et simple.

Dans un autre cas de figure, une affaire de corruption peut également être un levier de chantage pour réaliser une OPA hostile et constituer une arme de guerre économique au calibre redoutable.

Les FOVI : 550 millions d’euros de pertes pour les entreprises !

La fraude aux entreprises en France présente par ailleurs un cas unique au monde avec la fraude aux faux ordres de virements internationaux (FOVI) et ses différentes variantes. La plus médiatique a été popularisée sous l’expression de « fraude au président ». Cette dernière constitue une méthodologie de fraude spécifique à la France, combinant des mécanismes de fraude classique, des méthodes d’ingénierie sociale et des techniques d’enquête et d’exploitation de l’information en source ouverte.

Deux tiers des entreprises ont au moins constaté une tentative de fraude au paiement en 2015. Entre 2010 et 2015, les FOVI ont représenté une perte nette cumulée de chiffre d’affaire de 550 millions d’euros pour les entreprises françaises, pour un milliard d’euros de tentatives selon l’OCRGDF. Ce qui correspond donc peu ou prou à un taux de 50 % de réussite pour les fraudeurs.

La dynamique d’adaptation de ces derniers étant permanente, l’année 2016 a vu une sophistication croissante des techniques de fraude avec le développement de faux bailleurs, de faux commissaires aux comptes et de l’arnaque aux faux RIB. Les réseaux criminels à l’œuvre – dans leur majorité israéliens – sont parfaitement organisés, parfois en start-up dédiées à cette activité à l’étranger, combinant centres d’appels et cellules d’enquête en open source, avec des circuits de blanchiment en Asie parfaitement huilés.

Gestion du risque de fraude et de corruption : une révolution culturelle indispensable et… obligatoire

La faible culture des entreprises françaises dans le domaine de la gestion du risque de fraude favorise ce pillage. Ainsi, selon le cabinet Grant Thornton, en 2015 seules 27 % des entreprises françaises déclaraient avoir mis en place un dispositif d’évaluation du coût de la fraude. Par ailleurs le sous-dimensionnement des offices centraux de la police nationale spécialisés dans la lutte contre ces risques ne permet pas de faire bénéficier aux entreprises d’une capacité de soutien qui aille au-delà de la sensibilisation.

En 2015 seules 27 % des entreprises françaises déclaraient avoir mis en place un dispositif d’évaluation du coût de la fraude

La mise en place d’une politique proactive et globale de lutte contre la fraude est donc un enjeu prioritaire pour les entreprises françaises dans un contexte d’évolution et de sophistication permanent de la menace. Le combat culturel est cependant loin d’être gagné.

Dans ce contexte, la loi Sapin 2 qui impose aux entreprises des obligations de conformité anticorruption, peut représenter une formidable opportunité pour réformer les organisations et développer une véritable culture de la gestion du risque de fraude dans l’entreprise.

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Découvrez le dossier complet  :

> #2 – Loi Sapin II et mesures anticorruption : quels sont les enjeux pour les entreprises concernées ?

> #3 – Comment faire face aux risques de fraude et de corruption ?

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