Le 15 avril 2019, l’incendie de Notre-Dame de Paris a cruellement mis en lumière la vulnérabilité des édifices religieux. Ossatures et charpentes en bois, mobiliers, décors ou encore configuration des lieux parfois inadaptée constituent autant de talons d’Achille face à la menace des flammes. Cinq ans après le sinistre, la prise de conscience du risque encouru par les édifices religieux est bien réelle. La cathédrale parisienne a totalement revu son dispositif de sécurité incendie, et a fait des émules : certains lieux de culte ont également renforcé leurs systèmes de sécurité incendie, tandis que les pompiers multiplient les exercices d’intervention dans d’autres . Des municipalités ont également pris le sujet à bras le corps. Où en est-on de la sécurité incendie des lieux de culte 5 ans après l’incendie de Notre-Dame ?

Une sécurité incendie innovante à Notre-Dame de Paris

Un incendie en mondovision. Le 15 avril 2019, l’un des emblèmes de Paris brûle et la planète entière a les yeux rivés sur le sinistre. Cinq ans plus tard, le chantier de reconstruction de Notre-Dame-de-Paris touche quasiment à sa fin. Date de réouverture prévue : le 8 décembre 2024.

Tout début janvier 2024, la charpente de la nef reconstruite en chêne massif (et composée de 1000 pièces de bois) a retrouvé son emplacement d’origine. La flèche – dont la chute en direct avait créé un émoi mondial – a également repris ses droits dans le ciel de Paris. 

Le souhait était de reconstruire Notre-Dame à l’identique. De fait, l’édifice religieux comporte à nouveau des éléments combustibles. De quoi justifier une sécurité incendie totalement repensée. 

Philippe Jost, président de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de Notre-Dame en a détaillé quelques éléments lors de son audition au Sénat le 27 mars 2024. 

Toutes les charpentes en bois ainsi que les combles et la flèche sont dorénavant équipées d’un dispositif de brumisation qui, en cas de départ de feu, diffuse un brouillard de très fines gouttelettes d’eau. Ceci afin d’étouffer rapidement les premières flammes. Une première dans une cathédrale en France.

« Un nouveau PC de sécurité a été installé dans le presbytère, armé par des personnels au niveau de compétences amélioré », a-t-il par ailleurs expliqué. 

De même, l’alimentation en eau à l’intérieur de l’édifice a fait l’objet d’une attention particulière pour faciliter l’intervention des pompiers. Lesquels disposeront de 600 m3 par heure à l’intérieur même de la cathédrale via le réseau des eaux de la ville de Paris.

Des caméras thermiques pour détecter précocement tout point chaud, des dispositifs coupe-feu dans les combles pour éviter la propagation et des câbles électriques ignifugés complètent notamment la sécurité incendie de l’édifice religieux.

« Je crois que l’on peut dire que l’incendie de 2019 ne serait plus possible aujourd’hui», a même estime Philippe Jost.

L’incendie de 2019 ne serait plus possible aujourd’hui à Notre-Dame de Paris.

Philippe Jost, président de l’établissement public chargé de la restauration et de la conservation de Notre-Dame.

Un plan de sécurité pour 87 cathédrales propriétés de l’État

Suite au désastre de Notre-Dame, l’État avait lancé quelques semaines plus tard un « plan de sécurité des cathédrales » pour passer au crible 87 cathédrales dont il est propriétaire, ainsi que deux autres édifices qui ne sont pas des cathédrales.

Objectif : mieux protéger les bâtiments, les personnes et les biens. Mais aussi accélérer et optimiser l’efficacité des pompiers en cas de sinistre. Par exemple en dotant ces édifices de capteurs de fumée, de caméras thermiques, en revoyant totalement les installations électriques, etc.

Le bilan dressé au printemps 2023, faisait état de 20 cathédrales ayant atteint le niveau de sécurité “élevé”, soit 6 de plus qu’en 2020. 61 cathédrales avaient atteint le niveau de sécurité réglementaire.

La protection des biens culturels : l’autre enjeu de la sécurité incendie des lieux de culte

La prise de conscience n’a pas uniquement concerné la nécessaire amélioration de la protection des personnes et des bâtiments. La mise en sécurité des biens a également été renforcée après l’incendie de Notre-Dame de Paris. Ainsi, les cathédrales ont dû se doter d’un plan de sauvegarde des biens culturels (PSBC). 

Il s’agit d’un document visant, selon les services de l’État « à faire face avec rapidité et efficacité à des situations de péril pour les biens culturels ». Le document, consulté lors d’un sinistre par toutes les parties prenantes (en premier lieu les sapeurs-pompiers) est valable tant pour un éventuel incendie que pour une inondation, un dégât des eaux, un tremblement de terre, etc.

Il établit notamment :

  • L’emplacement des zones à protéger en priorité,
  • La liste des biens à évacuer en priorité ou à protéger sur place,
  • Un plan comprenant les divers accès à l’édifice,
  • Un plan d’identification des zones de repli d’urgence,
  • Un plan des réserves.

Dans ce cadre, il est également nécessaire de dresser une liste des équipements de sauvegarde nécessaires pour la protection in situ ou pour l’évacuation des biens culturels. Et bien évidemment, de s’en doter.

Des exercices réguliers pour les sapeurs-pompiers

Depuis l’élaboration des PSBC, ces dispositifs sont régulièrement testés par les sapeurs-pompiers en lien avec les services de l’État. Preuve que le sujet est pris très au sérieux par tous les acteurs de la prévention incendie. 

Ce fut par exemple le cas à la cathédrale Saint-Gatien de Tours le jeudi 4 mai 2023. Objectif affiché : tester la méthodologie d’intervention à la fois pour la sauvegarde du bâtiment et pour celle des œuvres d’art qui s’y trouvent. Le 26 septembre 2023, ce fut au tour de la cathédrale Notre-Dame-et-Saint-Vaast d’Arras d’organiser un exercice. Lequel s’est particulièrement focalisé sur 14 œuvres identifiées comme prioritaires. L’occasion notamment pour les pompiers du Pas-de-Calais de se familiariser avec la manipulation des objets d’art. 

Idem à la cathédrale Saint-André de Bordeaux le 11 octobre 2023, où s’est déroulé un exercice de sécurité incendie. Ou encore, plus récemment, à la cathédrale de Coutances, le 11 mars 2024. Les pompiers de la Manche ont procédé à un important exercice d’évacuation des œuvres présentes dans l’édifice.

Les municipalités également sensibilisées au risque incendie pour leurs églises

Si le plan de sécurité des cathédrales concerne les propriétés de l’Etat, bien d’autres édifices religieux sont détenus par des collectivités locales. Et pour elles, l’incendie de Notre-Dame a souvent fait office de déclencheur dans la décision de mener des travaux d’amélioration de la sécurité incendie. 

La commune de la Roche-sur-Yon, propriétaire de l’église Saint-Louis, a par exemple mené des travaux en ce sens. « À la suite de l’incendie de la cathédrale Notre-Dame-de-Paris en 2019, il est apparu nécessaire d’améliorer les conditions de détection incendie », expliquait en 2021 la municipalité dans un article de Ouest-France. 

La collectivité a donc décidé d’installer une alarme incendie. « Nous avons collaboré avec les pompiers, qui interviendront dès le déclenchement de la sécurité, en cas de problème », avait complété la municipalité.

À Honfleur, dans le Calvados, les travaux de mise aux normes et de sécurisation incendie de l’église Sainte-Catherine et de son clocher sont achevés depuis septembre 2023. Le système de sécurité incendie comporte désormais une détection automatique qui couvre les voûtes et les combles de l’église et la charpente du clocher, une détection par faisceau lumineux, et des caméras positionnées dans les combles qui surveillent un éventuel départ de feu. 

Même son de cloche à Evron en Mayenne, où la basilique Notre Dame de l’Epine vient de se doter d’une quinzaine de capteurs d’incendie. « Un incendie comme Notre-Dame est une catastrophe, mais ça a au moins eu ce mérite de réveiller les consciences sur la sécurité nécessaire dans ces édifices qui malgré tout sont assez fragiles avec des charpentes très sensibles au feu », indiquait le 7 avril 2024 à France Bleu, Emmanuel d’Erceville, directeur du service patrimoine de la ville d’Évron et de la communauté de communes.

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