La Seine sera l’hôte d’une grande parade nautique sur 6 kilomètres sur le fleuve. Mais l’organisation pour la première fois d’une cérémonie d’ouverture olympique hors stade inquiète. Un véritable casse-tête à sécuriser : dans les airs, sur l’eau, sur les berges. Au point qu’il n’est pas exclu que le dispositif initialement prévu soit revu à la baisse. Explications.

C’est une première, et quelle première ! Un défi ambitieux et inédit. Jamais, dans l’histoire olympique, une cérémonie d’ouverture ne s’était déroulée hors stade. Celle des Jeux olympiques de Paris 2024 sera organisée sur la Seine, et prendra la forme d’une gigantesque parade nautique. Du jamais vu ! C’est dire si l’enjeu est de taille, et la France sous pression. 

La cérémonie d’ouverture prévue le 26 juillet 2024 se déclinerait ainsi : 

  • 6 km sur la Seine entre le pont d’Austerlitz et le pont d’Iéna (la sécurisation des deux rives couvrant 12 km),
  • Environ 160 bateaux sur lesquels défileront les délégations,
  • 10 500 athlètes de quelque 200 délégations embarqués,
  • 600 000 spectatrices et spectateurs attendus sur les berges (7,5 fois la capacité du Stade de France),
  • 120 cheffes et chefs d’État et de gouvernement présents dans les tribunes officielles,
  • Une cérémonie de 7 heures,
  • Un milliard de téléspectatrices et téléspectateurs potentiels dans le monde.

Les inquiétudes sur la sécurisation de la cérémonie 

Un événement de tous les superlatifs. Mais la France est-elle prête pour que cette cérémonie hors norme se déroule sans accroc ? Les auteurs d’un rapport de la Cour des comptes sur l’organisation des JO de Paris, qui a fuité dans la presse le 20 juillet 2022, en doutent. Ils sont particulièrement alarmés par l’organisation de ce temps fort. « Une définition plus précise des besoins sécuritaires devient urgente, pointent les auteurs. Ajoutant : « il est impératif de rendre des arbitrages et d’entrer en phase de planification opérationnelle et d’organisation des moyens ». 

La répartition des rôles est d’ores et déjà actée sur le volet accueil du public lors de la cérémonie d’ouverture. Sur les quais bas de la Seine, la sécurité relève de la responsabilité du Cojop (Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques), et quelque 100 000 spectatrices et spectateurs payants y sont attendus ; 500 000 spectateurs gratuits prendront place sur les quais hauts, prérogative des gendarmes et des policiers. Le soutien d’agents de sécurité privée est prévu. Oui mais voilà, la profession peine structurellement à recruter ; et, pour l’instant, les candidates et candidats manquent à l’appel. 

Pourtant, le défi sécuritaire est de taille : il ne s’agit pas seulement de sécuriser les berges où prendront place les spectateurs ainsi que les chefs d’État. Il faut également se préoccuper des airs pour éviter les attaques de drones, et bien évidemment du fleuve lui-même et des embarcations qui y navigueront. 

La plus importante des menaces est clairement terroriste, les événements et enceintes sportifs (parce qu’ils drainent et concentrent les foules) étant de longue date des cibles privilégiées. Souvenez-vous des abords du Stade de France lors des attaques du 13 novembre 2015 à Paris. Mais aussi de l’Euro de football de 2016, organisé en France, qui fut identifié comme une cible étudiée par des terroristes sans qu’ils passent finalement à l’action.

Les autorités pourraient décider de réduire la voilure

Le 27 juin 2022, des élues et élus de la Région Île-de-France se sont réunis sur le sujet lors d’une table ronde. Certains élus se sont alors interrogés sur les capacités des organisateurs et des forces de l’ordre à assurer la sécurité, en cas de mouvement de foule par exemple, ou pour l’accès des véhicules de secours. Dans un article de la Gazette des communes daté du 28 juin 2022, Stanislas Gaudon, du syndicat Alliance, lance même tout de go : « la police est très inquiète ».

Le rapport de la Cour des comptes précédemment cité suggère, lui, de réduire la flotte, de procéder à des simulations en amont de la cérémonie, et d’aménager le calendrier des épreuves le jour et le lendemain de la cérémonie d’ouverture pour « alléger la pression sur les forces de sécurité »

Plusieurs sources citées par le Monde dans un article du 26 juillet 2022 assurent que les ambitions pourraient être revues à la baisse concernant la cérémonie. Certaines délégations, comme celle d’Israël, très à cheval sur le sujet de la sécurité, refuseraient d’ailleurs d’y participer en l’état. Dans ce même article, Tony Estanguet, président du Comité d’organisation, l’assure pourtant : « il n’y a pas de plan B ».

Peu après sa prise de fonction, le nouveau préfet de police de Paris, Laurent Nuñez, a apporté, le 5 août 2022, quelques précisions. « La cérémonie se fera, c’est clair », a-t-il assuré. Mais il reconnaît qu’il y a « encore des discussions sur la jauge » des spectateurs qui assisteront à cet événement depuis les quais de la Seine. Le chiffre de 600 000 personnes positionnées sur les berges de la Seine pourrait donc être revu à la baisse.

La cérémonie d’ouverture se fera, mais il y a encore des discussions sur la jauge des spectateurs.

Laurent Nuñez, préfet de police de Paris, 5 août 2022

Le parallèle avec la parade nautique du Jubilé sur la Tamise

Plusieurs voix assurent que la France est capable de relever le défi. Il n’y a qu’à regarder outre-Manche, et pourquoi pas s’en inspirer ! En effet, le parallèle peut être établi avec un événement récent qui présente bien des similitudes avec le défilé nautique parisien. 

Lors du Jubilé de diamant de la reine d’Angleterre, Élisabeth II, une gigantesque parade nautique s’est déroulée le 3 juin, avec pas moins de 670 embarcations sur la Tamise à Londres, dont plusieurs accueillant des membres de la famille royale. Plusieurs médias britanniques ont estimé que la parade a réuni au moins un million de spectateurs et spectatrices sur les berges du fleuve emblématique de la capitale britannique. De quoi mettre Scotland Yard sur les dents ! D’autant que Londres est très concernée par la menace terroriste, ayant été à plusieurs reprises le théâtre d’attaques meurtrières.

Pour la parade sur la Tamise, les autorités britanniques avaient mis les moyens : 

  • Les services de renseignements MI5 engagés très en amont pour déceler d’éventuels projets d’attaque,
  • Un travail préparatoire de 18 mois pour Scotland Yard,
  • 7 000 agents de sécurité sur les rives,
  • 200 bateaux des forces de l’ordre sur la Tamise pour sécuriser la parade nautique,
  • Des chiens renifleurs d’explosifs pour inspecter les bateaux prenant part à la parade,
  • Des snipers postés sur certains bâtiments le long du fleuve,
  • Tous les toits-terrasses du parcours passés au peigne fin,
  • Des plongeurs pour inspecter la partie immergée des bateaux,
  • Les forces spéciales britanniques mobilisées le jour de la parade.

Le jour du défilé nautique, aucun incident ne fut à déplorer, excepté quelques sporadiques manifestations anti-royauté.

Aux Français de faire aussi bien que leurs meilleurs ennemis les Anglais !

© Crédit photo : Paris 2024, Florian Hulleu

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