« Le commerce illégal d’animaux sauvages génère 23 milliards de dollars par an », peut-on lire dans un rapport publié fin 2022 par l’Oclaesp, une structure interministérielle de police judiciaire. Cet exemple de criminalité environnementale est malheureusement loin d’être le seul. 

Surpêche d’espèces protégées, exploitation illégale des ressources, décharges sauvages… les atteintes à la biodiversité se sont multipliées ces dernières années. Et pour cause : les crimes écologiques sont souvent des opérations extrêmement lucratives. Nombre d’individus malintentionnés s’engouffrent alors dans la brèche pour profiter d’un trafic juteux, accessible, et jugé peu risqué.  

Criminalité environnementale : de quoi parle-t-on ?

La criminalité environnementale fait référence aux comportements illégaux qui nuisent à l’environnement, et permettent à leurs auteurs d’en tirer profit. L’Assemblée des Nations unies pour l’environnement classe ces phénomènes délictuels en 5 catégories : 

  • La criminalité liée à la pollution de l’environnement, 
  • La pêche illicite, non déclarée et non réglementée, 
  • Le commerce et le trafic d’espèces sauvages (animales et végétales),
  • L’exploitation forestière illégale, 
  • L’exploitation minière illégale. 

Les crimes écologiques sont d’ampleur variable, allant de la simple infraction à l’écomafia, c’est-à-dire des activités en bande organisée, et couvrent aussi bien des dépôts sauvages de déchets, des incendies volontaires, du trafic d’ivoire, etc.

Qui sont les auteurs de ces crimes contre l’environnement ?

L’Office central de lutte contre les atteintes à l’environnement et à la santé publique (Oclaesp) distingue 3 formes de délinquance : 

  • La délinquance par ignorance : les coupables n’ont pas conscience de commettre des irrégularités.
  • La délinquance d’opportunité ou de facilité : les auteurs agissent dans l’illégalité de manière ponctuelle pour contourner une réglementation qu’ils et elles estiment trop contraignante.
  • Le trafic organisé : parfois issus du grand banditisme, les malfaiteurs développent une activité clandestine pour s’enrichir. 

« Leur but, dans la majorité des cas, est de réaliser des profits ou des économies, les atteintes à l’environnement constituant alors un dégât collatéral. » 

Si le profil des criminels environnementaux fluctue, nombre de transgresseurs sont souvent déjà connus des forces de l’ordre. Ces figures du crime ne cherchent pas délibérément à endommager la nature : leur motivation réside dans le gain financier généré. 

Quels sont les enjeux de la lutte contre les atteintes à l’environnement ?

La délinquance environnementale soulève de sérieux enjeux, et crée un préjudice à multiples facettes qu’il est difficile d’évaluer. En effet, les impacts ne sont pas seulement écologiques : les sphères économique et sanitaire se retrouvent également touchées. 


Érosion de la biodiversité, contamination de l’eau, pollution atmosphérique… face à l’urgence, le combat judiciaire s’organise pour endiguer les menaces qui pèsent sur la nature. Les objectifs énoncés dans le rapport sur l’état de la menace liée à la criminalité environnementale en 2022 sont divers. D’une part, réduire les dégâts causés aux écosystèmes ; d’autre part, limiter les retombées économiques, et préserver l’hygiène et la santé publique. 

« Les infractions spécifiques à l’environnement sont l’arbre qui cache une forêt d’autres infractions commises en parallèle. »

Par ailleurs, les actions frauduleuses néfastes aux milieux naturels dissimulent souvent d’autres délits comme la fraude documentaire, la corruption, ou encore la cybercriminalité

La hausse alarmante des écocides : quels sont les chiffres ? 

D’après le bilan de l’Oclaesp, les crimes écologiques ont progressé de 5 à 7 % par an dans le monde depuis 2016. En tout, 80 à 230 milliards d’euros de profits illicites sont générés chaque année par la délinquance verte, ce qui en fait la 4e source de revenus criminels après la drogue, la contrefaçon et la traite d’êtres humains. 


Pays fournisseur, de transit ou de destination, la France « constitue une véritable plaque tournante » de la criminalité environnementale. Selon un état des lieux du service statistique ministériel de la sécurité intérieure, pas moins de 31 400 délits ou contraventions à l’environnement ont été répertoriés en 2021, soit 7 % de plus qu’en 2016. Le commerce illicite d’animaux sauvages prend la tête de ce triste classement (33 %), suivi par l’exploitation illégale du bois et des minerais (25 %), et les violations de la réglementation liée à la pêche et à la chasse (13 %).

Hausse de 5 à 7 % par an
de la criminalité environnementale
80 à 230 milliards d’euros de gains illégitimes par an1er levier de financement des groupes armés et terroristes

Dans son rapport, l’Oclaesp livre une photographie des principaux phénomènes délictuels qui portent atteinte à l’environnement, et communique sur les moyens de lutte associés. On y apprend par exemple que 40 % des incendies résultent d’actes intentionnels de malveillance : feux de poubelles et de véhicules, escroquerie à l’assurance, dissimulation de preuves, etc. Parmi les pistes énoncées, la démultiplication des forces semble indispensable pour prévenir les actes de pyromanie, d’autant plus face à la menace grandissante des mégafeux.

Pourquoi la criminalité environnementale progresse-t-elle ? 

Plusieurs catalyseurs expliquent la prolifération des crimes contre l’environnement : 

  • La complexité de la réglementation, par ailleurs fréquemment contournable, qui implique l’intervention d’expertes et experts en droit de l’environnement, 
  • La longueur des enquêtes, avec un chemin souvent semé d’embûches, 
  • Le Web et les réseaux sociaux, qui facilitent la communication et la vente illégale d’espèces protégées, de ressources naturelles, de produits phytosanitaires ou encore de déchets, 
  • L’attractivité du ratio bénéfices/risques, avec la promesse d’une activité fructueuse sans toutefois s’exposer à un risque trop important.

Les délinquantes et délinquants n’hésitent pas à se mettre au vert pour maximiser leurs profits, tout en limitant la prise de risque. Rares et peu dissuasives, les sanctions encourues pour un écocide sont généralement faibles par rapport à d’autres infractions de droit commun. Par exemple, le trafic de stupéfiants peut donner lieu à une peine maximale de 30 ans de prison, contre seulement 7 ans pour la contrebande de déchets en bande organisée. De quoi, hélas, inciter davantage les criminels à se tourner vers ce type d’activités, au détriment de la planète et de la santé de ses habitantes et habitants.

Comment freiner la délinquance verte ? 

La lutte contre la criminalité environnementale fait partie des 10 priorités de sécurité de l’Union européenne. Avec ce rapport inédit, l’Oclaesp encourage à poursuivre les efforts pour ralentir ce « verdissement » du marché noir. 

Une pluralité d’acteurs œuvre déjà au quotidien à cet effet : services spécialisés, associations, ONG, brigades vertes, lanceurs et lanceuses d’alerte, etc. L’Oclaesp pilote ainsi le programme européen « EMPACT EnviCrime ». Les pays participants bénéficient d’une enveloppe globale de 2,3 millions d’euros entre 2022 et 2025 pour mener des actions coordonnées transnationales, par exemple à l’encontre des trafiquants de civelles ou de reptiles. 
En outre, la législation a fortement évolué en faveur de la protection de la nature face aux comportements délictuels, avec notamment la loi sur le devoir de vigilance de 2017, et la loi Climat de 2021. Toutefois, « son amélioration constitue un défi permanent », comme le rappelle l’Oclaesp. 

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