Petit à petit, le monde se déconfine, et doit apprendre à vivre avec le coronavirus. Pour les entreprises, les hôpitaux, les centres commerciaux… cela passe par une révision complète des méthodes d’accueil du public. Dans ce cadre, beaucoup songent aux avantages des caméras thermiques, capables de détecter la température des personnes à distance, pour isoler d’éventuels malades. Décryptage.

Imaginez dans quelques semaines, lorsque le déconfinement aura poursuivi sa course. Vous passez enfin les portiques de l’aéroport pour embarquer à bord d’un avion. Des vacances bien méritées s’offrent à vous. Mais avez-vous prêté attention à la présence de caméras thermiques ? Ces machines fixes ou mobiles peuvent mesurer votre température à plusieurs mètres de distance. De quoi détecter très vite les premiers symptômes d’un éventuel Covid-19.

À l’aéroport de Roissy (Paris), comme à celui de Hong Kong ou de Singapour, ces dispositifs sont d’ores et déjà en place. Dans les terminaux parisiens, ce sont ainsi près de 12 caméras qui détectent les personnes potentiellement malades parmi le flux des voyageurs. Concrètement, en moins d’une seconde, une caméra thermique est capable de mesurer la température de plusieurs personnes avec une précision de plus ou moins 0,5 °C. Et ce ne sont pas moins de 30 individus qui peuvent être contrôlés en même temps, selon les modèles utilisés. Ainsi, lorsqu’une personne enregistre une température supérieure à 38 °C, elle est écartée du groupe des voyageurs. Les agents procèdent à une deuxième mesure, grâce à une caméra portative. Si elle se confirme, l’individu est amené au centre médical de l’aéroport, où un test est effectué pour savoir s’il est atteint par la maladie.

Toutefois, à Paris, les caméras n’enregistrent aucune donnée corporelle, et floutent les visages pour respecter la vie privée des voyageurs. Un cadre rouge apparaît sur les écrans des agents pour signaler une personne potentiellement malade.

Un nouvel attirail pour tous les lieux publics ?

Pour les lieux recevant du public, le dispositif arrive donc à point nommé dans la lutte contre le coronavirus. Le même principe peut être déployé à l’accueil des hôpitaux, dans les centres commerciaux, les universités, etc. C’est ce que fait notamment le centre hospitalier de Lunéville, dans le Grand Est, depuis plusieurs semaines. Tous les patients sont ainsi contrôlés à leur arrivée. Sur place, le médecin urgentiste Jean-Frédérique Pierre affirme à France 3 qu’il s’agit d’un “élément supplémentaire dans la chaîne de contrôle (…), en plus du masque, des gants, du lavage des mains et de la distanciation sociale”. Les caméras thermographiques détectent ainsi de potentiels malades, dès leur arrivée, pour les isoler des autres patients et limiter la contamination. “Tout patient qui a de la fièvre n’est pas forcément porteur du nouveau coronavirus. Mais c’est un élément révélateur pour dire au médecin qu’il est potentiellement porteur du virus, et qu’il doit, en conséquence, prendre les mesures sanitaires nécessaires”, explique le médecin urgentiste. D’ailleurs, de nombreux lieux publics ont emboîté le pas de Lunéville : l’hôpital européen de Marseille, le siège du conseil général d’Eure-et-Loir, les entrepôts américains d’Amazon, le métro de Panama, etc. Tous se sont équipés de caméras thermiques à l’aune de la pandémie de coronavirus.

79 % des Français sont favorables à l’utilisation des caméras thermiques, dans la lutte contre le Covid-19.

Un engouement largement partagé par le grand public. Selon un sondage Odoxa d’avril 2020 pour l’éditeur de logiciel SAP, 79 % des Françaises et des Français sont favorables à l’utilisation des caméras thermiques dans la lutte contre le Covid-19.

Les limites des caméras thermiques

Si les citoyens plébiscitent la technologie, certains spécialistes semblent cependant plus réservés. C’est le cas de l’Association nationale de la vidéoprotection (AN2V). Dans un récent communiqué, le collectif de professionnels de la sécurité émet des doutes sur l’efficacité et la pertinence de cette technologie, dans le cadre de la lutte contre la pandémie. Comme le Haut Conseil à la Santé publique (HCSP) quelques jours plut tôt, l’association pointe que tous les malades atteints du Covid-19 n’ont pas de fièvre, par exemple. Selon une étude de la Fédération internationale des sociétés d’ORL, 45,4 % des patients Covid n’ont pas de symptômes de fièvre. Et c’est sans compter les malades qui ont pris d’eux-mêmes des médicaments pour faire baisser leur température.

>> Lire aussi : Comment l’AN2V s’attaque aux défis de la vidéoprotection

De surcroît, l’AN2V rappelle que cette technologie ne devrait pas être déployée par des employeurs sur les lieux de travail, comme le fait Amazon outre-Atlantique. Le ministère du Travail a, en effet, précisé que les salariés ont le droit de refuser que leur employeur prenne leur température, ou leur impose un test de dépistage. Il s’agit de données personnelles, et, secret médical oblige, les salariés ne sont pas contraints de s’y soumettre.

Des caméras pour rassurer

Reste que, pour de nombreux lieux qui accueillent de grands flux de voyageurs, les caméras thermiques peuvent rassurer les populations inquiètes. “Le but est de convaincre chacun que le transport aérien est un transport sûr“, explique ainsi le directeur exécutif du groupe Aéroports de Paris (ADP), Edward Arkwright. Même son de cloche au conseil départemental d’Eure-et-Loir : “Tout symptôme qui peut être repéré doit être immédiatement utilisé. Il faut rassurer les gens. Si on a une chance sur dix, il faut la jouer ”, insiste Claude Térouinard, président du conseil général d’Eure-et-Loir, au Républicain Lorrain. Les caméras thermiques apparaissent donc comme l’une des nombreuses pièces du puzzle qui permettra de déconfiner la population mondiale.

>> Lire aussi notre e-book : Quelle méthodologie pour gérer la crise du coronavirus en entreprise

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