22 000 agents de sécurité privée sont nécessaires pour encadrer l’événement sportif qui se déroulera en France à l’été 2024. Alors que les initiatives se multiplient pour faciliter les recrutements, le compte n’y est pas encore. Un nouveau scénario est envisagé : celui de recourir à l’armée pour grossir les rangs. Explications.

L’angoisse d’un scénario à la londonienne

Flash-back. Nous sommes le 7 juillet 2012. Les Jeux olympiques de Londres débutent le 27 de ce mois. À moins de trois semaines du coup d’envoi de l’événement, le gouvernement anglais s’aperçoit qu’une entreprise londonienne de sécurité privée, sur laquelle il compte beaucoup, va faire défaut.

G4S est alors la plus importante société de gardiennage privée au monde, et emploie 650 000 personnes dans 125 pays. Un mastodonte du secteur, qui a un contrat crucial à remplir : fournir 10 400 agents sur les 23 500 nécessaires à la sécurisation des JO organisés dans la capitale britannique. 

L’entreprise n’en fournira finalement que 4 000. Pour pallier la pénurie, 3 500 militaires sont déployés à la hâte, affectés à la surveillance des sites et à la fouille des spectateurs et spectatrices. D’autres renforts sont également puisés dans les viviers des services de police de toute l’Angleterre. Mais le fiasco ne s’arrête pas là. Certaines et certains, parmi les agents de sécurité privée recrutés par G4S, n’ont pas 20 ans et ont été formés trop rapidement. D’autres, encore, ne parlent pas anglais.

Un scénario que les pouvoirs publics français et le Comité d’organisation des Jeux olympiques de Paris (Cojo) souhaitent éviter à tout prix. 

Des initiatives tous azimuts pour recruter des agents de sécurité privée

De longue date, le secteur de la sécurité privée peine à recruter. Mais les attentes se font encore plus pressantes à l’approche des grands événements sportifs organisés en France : la Coupe du monde de rugby en septembre 2023 puis les JO de Paris en juillet 2024. 

Ces derniers mois, de nombreuses initiatives ont vu le jour pour faciliter les recrutements et booster l’attractivité de la profession. Parmi elles : 

  • La création d’une carte professionnelle spécifique (valable jusqu’au 30 septembre 2025) qui permet d’exercer une activité de surveillance humaine et de gardiennage uniquement dans le cadre de manifestations sportives, récréatives, culturelles et économiques, rassemblant plus de trois cents personnes. La carte s’obtient après une formation accélérée de 105 heures au lieu de 175 heures. 
  • La création d’un « titre spécifique provisoire » à destination des étudiantes et étudiants, avec une formation de 3 semaines financée par l’État. 
  • Une augmentation des salaires de l’ensemble de la grille des agents de sécurité de 7,5% obtenue en septembre 2022. 
  • La prise de contact par Pôle Emploi et les préfectures avec des personnes titulaires de la carte professionnelle, mais qui ne sont plus en activité, afin de les inciter à reprendre du service.
  • Une prime de 2 000 euros du conseil régional d’Île-de-France allouée aux demandeurs et demandeuses d’emploi qui accepteront une formation dans le secteur de la sécurité privée. 
  • Une plateforme, « Emplois 2024 », où les entreprises qui recrutent dans le cadre des JO, notamment dans la sécurité privée, peuvent déposer des offres d’emploi. 

Le manque d’agents de sécurité privée toujours criant

Malgré les efforts en matière de recrutement, les incertitudes demeurent en matière de sécurisation de l’événement, à un peu plus d’un an de son ouverture.

Des parlementaires ont rendu, vendredi 17 mars 2023, un rapport pour avis sur le projet de loi  « relatif aux Jeux olympiques et paralympiques ». L’occasion de sonner l’alerte. Selon le texte, « à dix-huit mois des Jeux, la filière de la sécurité privée est confrontée à un déficit capacitaire inquiétant ». D’après leurs informations, seuls 4 500 agents de sécurité seraient à ce jour disponibles pour les JO.Et le rapport de poursuivre : « Les pouvoirs publics et la région Île-de-France ont pris des mesures visant à accroître l’attractivité de la profession, mais elles se sont révélées trop tardives pour que l’on puisse espérer que la filière soit en mesure de fournir les personnels nécessaires pendant les Jeux. ».

« Peut-être devrons-nous faire appel à d’autres personnes dans l’État. »

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur en janvier 2023

L’hypothèse de l’armée commence à faire son chemin

Les derniers éléments sur ce point remontaient au début de l’année. Le 24 janvier 2023, devant le Sénat (dans le cadre des discussions sur la loi olympique), le ministre de l’Intérieur avait été pressé de questions sur les effectifs en matière de sécurité. En particulier ceux de la sécurité privée. 

Sur les 22 000 agents nécessaires pour sécuriser les sites de compétition (dont la responsabilité incombe au Comité d’organisation), Gérald Darmanin avait alors indiqué devant les parlementaires que « 11 000 à 12 000 répondent aux critères ». 

« Si à la fin des fins, des fins, des fins, il manque un certain nombre de personnes, nous regarderons ce que nous pourrons faire. Mais nous pensons qu’un grand pays comme la France est capable de répondre à cet enjeu de sécurité privée », avait assuré le ministre.

Pour l’heure le mot « armée » n’est pas prononcé, mais c’est de cela qu’il s’agit, puisque la mobilisation des forces de l’ordre (police et gendarmerie), est, elle, déjà prévue. « Peut-être devrons-nous faire appel à d’autres personnes dans l’État », note le locataire de Beauvau. L’État serait ainsi prêt à prendre le relais, mais en tout dernier ressort.

Pour la Cour des comptes, dans un rapport du 11 janvier 2023, il conviendrait d’ores et déjà d’envisager des réponses à la pénurie. Elle évoque un « risque capacitaire », et estime prudent de « prévoir des scénarios d’adaptation » pour anticiper une « carence probable » de la sécurité privée. 

Elle a, en outre, rappelé que ce serait au Comité d’organisation des Jeux olympiques (Cojo) de payer l’État si l’armée était mobilisée. Une hypothèse qui, d’après Etienne Thobois (directeur général de Paris 2024) est prévue au budget. À suivre.

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