À l’aube d’événements sportifs d’envergure dans l’Hexagone, la France aura-t-elle suffisamment de personnel pour répondre aux enjeux de la sécurité et de la sûreté ? La question mérite d’être posée. Si les perspectives semblent favorables en matière de cybersécurité et de télésurveillance, reste une problématique majeure : le recrutement. La filière peine à renforcer ses rangs, offrant un bilan en demi-teinte pour le marché de la sécurité privée. Décryptage.

État des lieux du marché de la sécurité en France : où en est-on ?

IA et recrutement : le marché de la sécurité est sans cesse en évolution. 

L’intelligence artificielle : un cadre législatif en cours de création

C’est l’une des grandes tendances de l’année : l’intelligence artificielle (IA) et la reconnaissance faciale appliquée à la vidéoprotection. La volonté du Parlement européen d’encadrer l’utilisation de ces technologies par les forces de sécurité a été entendue. Le 28 septembre 2022, la Commission européenne a couché sur le papier une nouvelle directive, intitulée « AI Liability Directive ». En ligne de mire, une harmonisation de la réglementation à l’échelle européenne pour mieux protéger les citoyennes et citoyens de l’Union, et favoriser ainsi l’essor de l’IA. Prochaine étape : l’adoption de la proposition par les institutions compétentes. 

Le volet recrutement : point noir du secteur de la sécurité privée

La branche privée de la sécurité continue de manquer cruellement de moyens humains. À l’heure actuelle, le recrutement est une véritable galère pour les entreprises. Centres commerciaux, organisateurs d’événements, supermarchés… de nombreuses sociétés connaissent des difficultés à embaucher. La RATP en est un exemple criant : sur les 100 postes d’agents de sûreté ouverts en 2022, seuls 20 avaient été pourvus début septembre. 

Ces problématiques sont pour la plupart liées au manque d’attractivité du secteur, surtout de la profession d’agent de sécurité, qui représente 84,3 % des emplois salariés. Parmi les facteurs pointés du doigt : 

  • Une rémunération trop faible, les salaires dépassant rarement le SMIC,
  • Les conditions d’accès au métier, durcies par l’entrée en vigueur de la loi du 25 mai 2021 pour une sécurité globale préservant les libertés,
  • La pénibilité du travail, qui figure dans le top 15 des métiers les moins favorables au bien-être psychologique en France (source : Dares).

En 2018, le taux de turn-over dans le secteur de la sécurité privée dépassait les 110 %, selon un rapport du GIP Défi métiers. Un chiffre loin d’être rassurant, alors que la Coupe du monde de rugby 2023 et les Jeux olympiques de Paris 2024 approchent à grands pas. En septembre dernier, le ministre de l’Intérieur faisait état de besoins colossaux en vue des JO : la main-d’œuvre supplémentaire est estimée à 20 % du total de la profession d’agent de sécurité. 

Il faut environ 25 000 agents de sécurité privée en plus pour les JO.

Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur

Perspectives d’avenir : où se dirige-t-on ?

Si les lignes semblent bouger côté rémunération, il en va de même pour l’amélioration concernant le recrutement.

La rémunération des professionnelles et professionnels de la sécurité privée : une situation qui se décante

Après de multiples échanges, l’espoir est enfin là. Le 28 septembre 2022, six des sept organisations syndicales ont signé l’accord de revalorisation salariale, dont l’application devrait être prévue pour janvier 2023. L’ensemble de la grille dans la branche prévention-sécurité bénéficiera ainsi d’une augmentation de salaire de 7,5 %.

La filière reste toutefois sur ses gardes face à cette petite victoire. Ce premier pas doit s’inscrire dans une démarche plus large, afin d’éviter que la hausse du bulletin de paie soit rapidement rattrapée par l’inflation galopante en 2023. D’après le Groupement des entreprises de sécurité (GES), la signature de l’accord est de bon augure pour poursuivre la revalorisation des classifications des métiers et des compétences, un projet qui devrait être bouclé fin 2022. 

Des efforts pour soulager les tensions de recrutement 

En parallèle, différentes annonces ministérielles ont été formulées à l’occasion du congrès annuel du Groupement des entreprises de sécurité (GES) les 22 et 23 septembre 2022 : 

  • Une revalorisation des indemnités repas, de la prime d’entretien des tenues, et des indemnités des maîtres-chiens, 
  • Une enveloppe de 22 millions d’euros pour la formation continue des agents de sécurité,
  • La création d’un « titre spécifique provisoire » pour les étudiantes et étudiants qui souhaitent prendre part à l’aventure olympique, avec une formation de 3 semaines financée par l’État,
  • Un appel aux préfectures à prendre contact avec les personnes qualifiées en recherche d’emploi pour les motiver à reprendre du service, 
  • Une prime distribuée par la région Île-de-France pour inciter les demandeurs et demandeuses d’emploi à se former aux métiers de la sécurité privée,
  • La promotion des métiers de la sécurité privée sur le territoire français. 

Cette série de mesures devrait contribuer à pallier les difficultés de recrutement rencontrées par les acteurs du secteur. 

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