Émergente il y a encore quelques années, la question de la neutralisation des drones aux abords des sites sensibles a pris une nouvelle dimension. Dans cette saga, Georges-Henri MARTIN-BRICET – directeur du développement de l’ESSE – et Stéphane CHATTON – président de Strix Drone – dressent un état des lieux des risques sûreté et sécurité, associés à l’emploi malveillant des drones. Toute rupture technologique comporte son endroit et son envers. La démocratisation des drones ces dernières années en est une parfaite illustration. Précieux alliés technologiques pour les services de sûreté et de sécurité, les drones représentent également une menace dont le potentiel malveillant commence tout juste à s’exprimer. Le risque est en particulier critique vis-à-vis des centres pénitentiaires et des opérateurs d’importance vitale. L’élément déclencheur de la prise de conscience des autorités françaises furent les premiers survols de centrales nucléaires par des drones en octobre 2014 – survols dont l’origine fait toujours mystère… Depuis, l’emploi de drones à des fins d’intrusion, de renseignement ou d’attaque s’est multiplié. L’année 2018 a été particulièrement intense en France comme à l’étranger. On peut notamment citer le vol de reconnaissance de la prison Réau en Seine-et-Marne, préalable à l’évasion de Redoine Faïd le 1er juillet. On se souvient aussi, le 5 août, de la retentissante tentative d’assassinat du président vénézuélien Nicolas Maduro, lors d’une parade à Caracas à l’aide de drones chargés d’explosifs. Une technologie proliférante et évolutive Faciles d’accès, peu onéreux, les drones légers représentent aujourd’hui le principal vecteur de menace. Leur multiplication s’annonce exponentielle avec plus de 25 millions d’appareils projetés en circulation dans le monde en 2025, contre 10 millions aujourd’hui. Souvent classés dans le commerce comme des appareils de loisir (1 à 4 kg), ils peuvent facilement être employés ou détournés à des fins malveillantes. Vendus sur le net à un prix abordable, leur capacité d’évolution logicielle et la simplicité de leur mise en œuvre en font un outil parfaitement adapté à la conduite de missions de renseignement ou d’attaque. Et ce, avec un minimum d’expertise technique requise. Un drone peut être équipé de toute sorte de charge : crochet de largage (pour livrer dans des zones réservées comme les prisons), micros à longue portée, caméras infrarouges, etc. Attaque terroriste : de nouveaux modes opératoires pour une guerre asymétrique Moyen le plus spectaculaire, l’attaque terroriste peut être déclinée en plusieurs modes opératoires. Un explosif peut facilement être fixé sur le drone, ou un pulvérisateur agricole peut être détourné à des fins d’attaque NRBC par diffusion de produits toxiques. Les théâtres syrien et irakien ont à cet égard constitué un extraordinaire champ d’expérimentation dès 2014. Daesh a été pionnier dans la compréhension du potentiel tactique des drones civils à des fins militaires. L’organisation a ainsi développé ses capacités de renseignement en profondeur, grâce au déploiement de drones à voilure fixe de la famille des Skywalker. Lors de l’offensive de Mossoul, on a décompté jusqu’à 70 bombardements par drone chaque jour. Les drones ont également été employés pour guider des attaques au sol par véhicules suicides. La précision et le nombre d’attaques ont pris une telle ampleur que l’armée irakienne a dû stopper l’offensive pendant plusieurs jours afin de se réorganiser et de comprendre la nature de la menace. Depuis, l’emploi des drones civils ne fait que s’accroître dans les différents conflits qui émaillent le globe, notamment en Ukraine et dans certains pays africains. Leur faible coût ainsi que leur facilité d’acquisition offrent la possibilité aux groupes insurrectionnels de communiquer et de combattre par la même occasion. Enfin, on a également constaté les premières attaques en essaim de drones, dans le but de saturer les systèmes de contre-mesures. La plus spectaculaire a lieu en janvier 2018 contre les bases aériennes russes de Hmeimim et Tartous en Syrie. Ces dernières ont dû faire face à une attaque coordonnée de 13 drones dotés d’explosifs. La moitié a été neutralisée avec des brouilleurs et l’autre moitié détruite par l’artillerie russe. Cette technique de vol en essaim est de plus en plus accessible aux néophytes. Des personnes dépourvues d’expertise informatique peuvent en effet facilement utiliser des logiciels open source tels que Qground Control pour coordonner un groupe de drones et programmer un vol sur une même cible. Guerre électronique et espionnage économique Les drones peuvent aussi être utilisés à des fins d’espionnage électronique, comme par exemple pour hacker le wifi d’une imprimante ou pour capter les conversations téléphoniques en ouvrant le port audio des mobiles. Si la menace reste pour l’heure marginale, ces techniques sont envisageables sur le plan opérationnel. En effet, des tests ont prouvé qu’un drone pouvait contrôler l’ouverture et la fermeture d’électrovannes, perturbant ainsi les systèmes de distribution d’eau ou d’hydrocarbures. Les drones peuvent également déposer des bornes wifi fantômes et dérouter l’ensemble des conversations email d’une entreprise. Certains modèles français et israéliens sont même en capacité d’embarquer des dispositifs d’écoutes de type IMSI-Catcher ou d’interception Wifi. Ces menaces peuvent provenir aussi bien d’Etats tiers, de groupes criminels organisés que de sociétés de renseignement privées. Risque sécuritaire : les accidents en progression Le risque sécuritaire est tout aussi prégnant. Les nearmiss (quasi collision entre un aéronef et un drone) sont notamment en nette augmentation : 92 incidents ont été recensés en 2017, soit une multiplication par trois depuis 2015. Cette problématique est devenue un sujet de préoccupation majeure pour les directions aéroportuaires. Rappelons que la fermeture de l’aéroport International de Dubaï en 2017 a coûté 100 000 dollars par minute. Alors, quelles solutions existent aujourd’hui pour contrer cette nouvelle menace ? Découvrez la suite dans le prochain article de notre saga sur les solutions anti-drones. *** L’Ecole supérieure de la sûreté des entreprises (ESSE) a créé la première formation consacrée au « Risque drone » afin d’aider les directions d’OIV et de sites sensibles à comprendre la nature des risques posés par l’emploi malveillant des drones et à connaître l’état de l’art des contre-mesures existantes. Découvrez tous les articles de notre saga anti-drones : – Solutions anti-drones #2 : Quelles technologies de détection et de contre-mesures ? – Solutions anti-drones #3 : Les enjeux à relever pour les acteurs du marché – Solutions anti-drones #4 : Comment contre le risque drone ? Facebook Twitter LinkedIn
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