La France souffre d’un déficit accru de sensibilisation et de formation aux risques de malveillance. Il est temps de mettre en place une réponse pérenne permettant de faire face à tous les types de scénarios. Un véritable enjeu culturel.

En décembre 2017, l’enquête annuelle de l’INSEE et de L’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales (ONDRP) a révélé que le terrorisme était désormais la première préoccupation des Français, détrônant les habituelles craintes du chômage et de l’immigration. Et pour cause : nous vivons actuellement dans un contexte de menace terroriste accrue, non pas ponctuel mais permanent. Ce risque concerne toute la population.  Ce qui signifie que l’ensemble des acteurs qui peuvent d’une manière ou d’une autre, apporter une réponse à ce contexte, sont concernés : l’état, les collectivités locales mais aussi les entreprises. Ces dernières ont un rôle majeur à jouer pour assurer la protection de leurs collaborateurs.

Une absence cruelle de sensibilisation aux risques

Malgré ce contexte, peu de mesures effectives sont prises. La raison est simple : dans la mesure où le risque terroriste est extrêmement anxiogène, il est très difficile pour les institutions et les entreprises de l’aborder directement avec les citoyens ou les collaborateurs. La plupart du temps, on leur présente une réalité édulcorée. Cela part bien sûr d’une bonne intention – celle de ne pas les angoisser davantage –  mais ce “politiquement correct” est une erreur car il n’apporte aucune solution concrète. Chaque citoyen devrait être sensibilisé à ces risques de manière à savoir comment se protéger, voire comment protéger les autres.

Cette situation est notamment due à un manque cruel de normalisation dans le secteur de la sûreté. Aucune règle, aucune obligation, ni même aucune définition ne sont clairement établies en ce qui concerne la mise en place de mesures de protection face à une volonté intentionnelle de nuire. En France, les seules entreprises qui intègrent cette dimension sûreté sont celles qui ont déjà vécu des événements mettant potentiellement en danger la vie de leurs collaborateurs. Cela reste un nombre trop restreint.

Dans le cadre de la prévention des risques sécurité – comme l’incendie – les entreprises ont l’obligation de réaliser des exercices d’évacuation. En revanche, on ne prépare absolument pas les collaborateurs à adopter les bons réflexes pour se confiner dans le cas où ils devraient se protéger face à un risque extérieur. De la même manière, quasiment 90% des Français ne connaissent pas les consignes des affiches Vigipirate éditées après les attentats du Bataclan en 2015. Ces affiches sont une bonne mesure en soit mais à quoi servent-elles si personne ne les explique ? Cette absence de communication et de formation pourrait bien créer, malgré elle, plus de chaos et de panique en cas d’attaque…

L’indispensable mise en place d’une culture française de la sûreté

En réalité, nous sommes confrontés à un véritable problème culturel. Il est aujourd’hui urgent et indispensable que l’état et les entreprises participent à instaurer une véritable culture de la sûreté et de la gestion des risques en France. Cette culture sûreté pourrait être définie comme la capacité d’une population à accepter le risque, à savoir quoi faire pour l’éviter et comment réagir si l’événement avait lieu.

Chez les Anglo-Saxons par exemple, la « security culture » est inculquée à l’école dès le plus jeune âge. La population est formée à respecter un ensemble de règles pour se protéger contre tous les types de risques malveillants. Dans les entreprises, le non-respect de ces règles peut même être un motif de renvoi. Cette culture sûreté est d’ailleurs l’une des explications pour laquelle l’effet de sidération est souvent moins important chez les Britanniques après un attentat.

La culture sûreté c’est la capacité d’une population à accepter le risque, à savoir quoi faire pour l’éviter et comment réagir si l’événement a lieu.

Se préparer au pire pour anticiper le mieux

Alors comment mettre en place cette culture en France ? Il faut commencer par donner au terme « sûreté » toute sa valeur. Aujourd’hui, la majorité des personnes ne connaît pas la différence entre sécurité et sûreté. Plus on diffusera la définition de la sûreté, plus cela permettra de mettre en place des règles fondamentales qui sont aujourd’hui ignorées ou mal comprises par la population. Cela passe aussi par la réglementation, la création d’une véritable filière métier au sein des entreprises et bien sûr la sensibilisation de la population. Tout le monde doit participer à la création de cette culture : acteurs privés et publics. Il est temps de poser un cadre clair pour déterminer comment analyser les risques, comment mettre en place des moyens de protection efficaces et comment les faire évoluer en permanence pour s’adapter au niveau de menace.

Cette culture sûreté permettra par ailleurs de se préparer à tous les types de risques. Aujourd’hui, la menace majeure est celle du terrorisme. Si elle disparaissait demain, elle serait fort probablement remplacée par un autre risque. On voit d’ailleurs déjà les prémices des nouveaux challenges qui nous attendent avec notamment l’émergence de la cybercriminalité qui peut faire tomber une entreprise à l’autre bout de la planète avec un simple ordinateur. Se préparer au scénario du pire permet de faire face à tous les autres scénarios.

Il s’agit donc de changer en profondeur les mentalités individuelles et collectives et de mettre en place une réponse concrète qui s’installe dans le temps. Réagir aux événements lorsqu’ils arrivent est une chose mais devenir proactif en est une autre. Nous devons mettre en place une stratégie sur le long terme de manière à faire adopter des réflexes de générations en générations. De vraies habitudes culturelles en somme.

Crédit photo principale : © GORON

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