Dans le contexte des nouvelles menaces terroristes, la sécurité privée doit évoluer pour jouer pleinement son rôle de protection au service de la nation. Il lui faut entre autres, relever trois défis majeurs : normaliser la sûreté, reprendre en main la formation des agents et obtenir une vraie reconnaissance de ses compétences. Charlie, le Bataclan, l’attaque de Nice…les événements tragiques qui ont frappé la France ces dernières années ont rebattu les cartes de la sécurité nationale. Ce n’était malheureusement pas la première fois que le pays faisait l’expérience du terrorisme, mais on peut résolument dire qu’il y a un avant et un après 7 janvier 2015. Nous vivons aujourd’hui dans un contexte de menace accrue, permanente et intérieure. Ce contexte a fait naître une nouvelle donne : on ne peut définitivement plus concevoir la sécurité du pays et des citoyens comme relevant uniquement des pouvoirs publics. Les entreprises de sécurité privée ont aujourd’hui tout leur rôle à jouer dans la protection de la nation. Ce débat était déjà latent, reflété par la notion de coproduction qui pose le principe d’une complémentarité entre la puissance régalienne et la sécurité privée. Mais les épisodes d’attaques ont accéléré la réflexion autour de ce sujet. Quelle est la place des entreprises de sécurité privée ? Comment leurs missions doivent-elles évoluer ? Quels sont leurs nouveaux défis ? Explorons quelques pistes de réponses auxquelles les pouvoirs publics, les entreprises de sécurité privée et leur clientèle doivent se préparer. On ne peut définitivement plus concevoir la sécurité du pays et des citoyens comme relevant uniquement des pouvoirs publics. 1 – Normaliser la sûreté Avec les nouveaux risques qui pèsent désormais sur la société civile mais aussi sur les entreprises, les administrations et autres institutions, l’ordre des préoccupations se modifie. On est ainsi passé d’une situation connue de prévention des risques d’accident (c’est le domaine de la sécurité) à un contexte de besoin de protection face aux actes malveillants à l’encontre des personnes et des entreprises (c’est le terrain de la sûreté). Pour autant, personne n’est en mesure de définir clairement ce qu’il faut faire. Dans l’urgence et face à l’impératif de protection des personnes, des décisions sont prises quotidiennement, des budgets importants sont engagés mais l’impression d’un manque de rationalité et d’organisation domine. La différence est criante avec le domaine de la sécurité qui lui, est extrêmement réglementé : à chaque situation un règlement ou une norme apporte une réponse. En matière de sûreté, à l’inverse, tout reste à faire. Une priorité s’impose : celle de normer ou normaliser la sûreté. Cela doit passer par des obligations réglementaires mais aussi par un débat très concret entre les entreprises et les pouvoirs publics. Une priorité s’impose : celle de normer ou normaliser la sûreté. Cela doit passer par des obligations réglementaires mais aussi par un débat très concret entre les entreprises et les pouvoirs publics. Les entreprises privées concourent tous les jours à cette normalisation mais se heurtent souvent à des questionnements. Le point de départ est pourtant simple et logique : on ne peut lutter et se préparer seulement contre ce qu’on connaît ou contre ce qu’on imagine possible, sans négliger l’inimaginable. C’est le domaine de l’analyse des risques. Il est donc indispensable qu’il y ait au minimum une obligation réglementaire de procéder à une analyse des risques pour tous les employeurs publics ou privés. De celle-ci découlera la mise en place de dispositifs spécifiques et adaptés qu’ils soient humains, matériels ou organisationnels et plus sûrement les trois à la fois. Il est donc indispensable qu’il y ait au minimum une obligation réglementaire de procéder à une analyse des risques pour tous les employeurs publics ou privés. Les employeurs ont déjà l’obligation de réviser régulièrement le document unique de sécurité, inspiré par le principe de sécurité du travail. Pourquoi ne pas étendre l’obligation en visant clairement l’analyse du risque sûreté ? Et si l’étape réglementaire s’avère impossible, chaque décideur devra s’emparer du sujet selon le principe de responsabilité envers ses subordonnés ou administrés. 2 – Reprendre en main la formation des agents Pour répondre aux nouveaux enjeux de sûreté, la logique actuelle consiste à enfler les heures de formation initiale des agents* et à empiler des cours théoriques. Ce n’est pas forcément la solution. Il convient de privilégier des formations et des entraînements concrets in situ qui correspondent aux besoins réels sur le terrain. En effet, face à un acte terroriste, peu importe qu’un agent ait suivi 600 heures de formation initiale, il faudra qu’il sache exactement comment réagir sur son lieu de travail. Quand on voit aujourd’hui l’accumulation erratique des CQP et l’incohérence parfois des réglementations applicables – le tout enserré dans la contrainte du financement et de la gestion du temps de travail – on comprend la frustration des entreprises de sécurité privée. En réalité, elles se sont laissées confisquer le sujet de la formation par des prescripteurs externes depuis des années, sans vraiment réagir. Il est donc urgent que les entreprises de sécurité privée reprennent avec beaucoup d’ambition l’initiative de la qualification et de la formation concrète de leurs agents. Elles ne doivent pas se contenter de croire que leurs personnels – et particulièrement les nouveaux recrutés – sont compétents au seul motif qu’ils possèdent une carte professionnelle en bonne et due forme. Il est donc urgent que les entreprises de sécurité privée reprennent avec beaucoup d’ambition l’initiative de la qualification et de la formation concrète de leurs agents. Crédit photo : © GORON Il faut tout remettre à plat dans le cadre d’un débat serein et décomplexé afin d’aboutir à des dispositifs simples, efficaces et adaptés aux besoins réels des entreprises. Le tout devra être compatible avec d’une part la nécessaire montée en compétence des personnels affectés aux missions les plus sensibles. Et d’autre part avec l’émergence des nouveaux métiers liés à de nouvelles missions et à l’évolution du contexte technologique (robots, intelligence artificielle, etc.). En effet, il y a encore 5 ans, des métiers comme celui du profiling ou d’agent cynophile de détection d’explosifs n’existaient pas ou peu en dehors du champ de la sûreté aéroportuaire. Et que dire de celui de pilote de drone de sécurité ou d’analyste vidéo ! Pour y parvenir, il faut que les entreprises de sécurité retrouvent des marges de manœuvre financières importantes leur permettant d’investir sur la formation de leurs collaborateurs. Il s’agit là d’un vaste débat qui adresse le sujet de l’économie générale de la profession. Tout le monde s’exprime dessus sans pour autant aller au fond du problème. Cela ne pourra pas durer éternellement. 3 – Une représentation unifiée pour une réelle reconnaissance des compétences Troisième évolution : il devient indispensable que les clients publics et privés prennent vraiment conscience de la réalité des missions assurées par les entreprises de sécurité privée, des compétences spécifiques des personnels et des moyens financiers que cela implique. Pour concourir à cette reconnaissance, les entreprises de sécurité privée doivent – au-delà des querelles de clochers – revendiquer leur légitimité à travers une représentation unifiée. Les entreprises de sécurité privée doivent – au-delà des querelles de clochers – revendiquer leur légitimité à travers une représentation unifiée. En effet, pour ce qui concerne la réglementation, les pouvoirs publics ne devraient avoir qu’un seul interlocuteur : l’organe représentatif d’une profession aux multiples métiers et facettes mais fédérée autour de quelques ambitions et revendications claires. Cela oblige à une grande maturité et à une discipline certaine de tous les acteurs mais rappelons que les Français sont imbattables lorsqu’ils sont unis ! À titre de réciprocité et pour des besoins d’efficacité, les pouvoirs publics devraient eux aussi parler d’une seule voix et ne désigner qu’un seul interlocuteur aux professionnels. Dans ce cadre on laisserait évidemment aux différents syndicats, le champ du social pour lequel toutes les organisations historiques sont clairement légitimes. Il appartient donc aux entreprises de la sécurité privée de montrer qu’elles ont évolué. Qu’elles sont capables d’analyser les besoins de leurs clients et de la société en général, et de proposer des solutions adaptées et performantes. Elles sortiront ainsi du rôle de simples prestataires de service ou d’installateurs de caméras auquel on les réduit la plupart du temps. De ce comportement vertueux découlera la reconnaissance qu’on leur dénie encore trop souvent. Enfin, les derniers sondages démontrent que les Français estiment avoir besoin des interventions de la sécurité privée en complément des forces publiques. Il faut donc que la profession définisse clairement ses ambitions pour l’avenir, qu’elle débatte avec les pouvoirs publics de sa place, de ses missions et plus généralement de son rôle dans la société au côté des forces régaliennes. C’est le moyen le plus efficace de mettre en œuvre une réelle coproduction, au bénéfice de tous. Souhaitons que la mission parlementaire annoncée en février 2018 par le Ministre de l’Intérieur ne débouche pas sur un énième livre blanc ou rapport, mais au contraire, qu’elle entende toutes les parties prenantes et qu’elle propose des solutions acceptées de tous. *Nous ne traitons ici que de la formation des agents, celle de l’encadrement étant un sujet que nous développerons ultérieurement. Crédit photo principale : © GORON Facebook Twitter LinkedIn
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