Les nouvelles technologies modifient en profondeur les usages des forces de l’ordre et des services de sécurité privée. Détecter plus précocement, anticiper les alertes, accélérer les interventions : les bénéfices sont nombreux. En 2022, de nouveaux dispositifs mobiles équipent les personnels d’intervention, tandis que l’intelligence artificielle devient une alliée toujours plus incontournable des opérateurs. RNM+S fait le point.

Applis mobiles et caméras-piétons dernier cri

Délai de démarrage, mise en marche compliquée, autonomie réduite : les premières versions des caméras-piétons étaient loin de faire l’unanimité auprès des policières et policiers de terrain. Mais les fabricants ont revu leur copie. Depuis quelques mois, de plus en plus d’unités de police se dotent de caméras-piétons aux capacités améliorées, qui filment plus facilement leurs interventions. La nouveauté : de 9 à 12 heures d’autonomie, ainsi qu’un bouton unique de déclenchement. Et à la clé, des images et un son satisfaisants de jour comme de nuit. Et ce, jusqu’à 3 mètres de distance.

Toujours plus de mobilité pour plus de proximité et d’efficacité : c’est en somme la promesse de NEO-2. D’ici fin 2022, 110 000 gendarmes et 116 000 policiers vont être équipés de ces nouveaux ordinateurs portables (ainsi que de 20 000 tablettes). Ce matériel permettra aux personnels de retrouver leur environnement de travail ainsi que leurs applications métiers. Mais un cran au-dessus : une batterie plus performante, davantage de mémoire, un capteur photo et vidéo optimisé. De plus, NEO-2 offre l’opportunité aux gendarmes et aux policiers de tester de nouveaux outils tels qu’une application d’aide aux constatations sur une scène de crime, ou encore des prises de photos et d’empreintes digitales d’un mis en cause pendant un déplacement. Par ailleurs, dans plusieurs départements, NEO-2 autorise désormais l’expérimentation de l’application TOM, qui transforme un téléphone en un terminal radio en profitant du débit 4G. 

Trois mots seulement pour faciliter l’intervention des secouristes

Un travail de titan ! Mais comme bien souvent en matière d’innovation, il suffisait d’y penser. Les concepteurs de l’application mobile « what3words » ont fractionné la planète en… 57 000 milliards de petits carrés de 3 mètres de côté. Chaque carré est lui-même identifié par 3 mots disponibles dans 35 langages différents. 

Où qu’elles se trouvent, les personnes qui utilisent what3words peuvent donc se géolocaliser à l’aide de 3 mots seulement. Beaucoup plus simple à communiquer que les coordonnées GPS à rallonge utilisées jusqu’à présent. Le concept a séduit les sapeurs-pompiers français, qui intègrent désormais cette technologie au service de géolocalisation des appels d’urgence Geoloc 18-112. Dès qu’un appel est passé, les 3 mots de géolocalisation sont transmis automatiquement. Et l’application what3words fonctionne hors connexion. Elle est aussi très utile pour les sauveteurs qui doivent intervenir dans des zones mal couvertes : plages, massifs forestiers, sites en altitude, pleine mer, etc. 

L’intelligence artificielle en renfort

Des caméras de vidéosurveillance toujours plus performantes et capables d’identifier un objet, de détecter des comportements suspects, des tentatives d’intrusion sur site de personnes ou de véhicules : grâce à l’intelligence artificielle, les sécurités publique et privée font régulièrement des pas de géants. Objectif : caractériser une menace imminente, grâce aux informations envoyées et analysées en temps réel par les algorithmes qui enrichissent les caméras de nouvelle génération. Les opérateurs privés et publics des centres de supervision continuent de bénéficier des avancées en matière d’IA, en poursuivant l’intégration de dispositifs d’analyse toujours plus efficaces à leurs caméras.

La gendarmerie nationale a aussi saisi tout le potentiel de l’IA, et envisage de l’intégrer encore davantage à ses systèmes, dans le cadre de sa stratégie de transformation « Gend 20.24 ». Elle s’intéresse en particulier à la data science (analyse de la donnée), et a fait part de ses ambitions en avril 2022, lors de sa participation au premier salon mondial de l’intelligence artificielle à Cannes. L’institution y voit notamment un plus en matière de prédiction et de pertinence des interventions. Par exemple, étudier les interventions au cours des années antérieures sur un secteur donné pourrait aider à déterminer le nombre de patrouilles nécessaires et, ainsi, optimiser l’occupation du terrain par les forces de l’ordre.

2022, un tournant vers l’utilisation généralisée de l’IA ? 

Coupe du monde de rugby 2023, Jeux olympiques de Paris 2024 : la France est attendue au tournant pour assurer la sécurité des grands événements sportifs d’envergure planétaire. En particulier depuis les incidents qui ont émaillé la finale de la Ligue des Champions au Stade de France le 28 mai 2022. Les images des violences et des tentatives d’intrusion massives d’individus qui ont semé le chaos aux abords de l’enceinte sportive ont fait le tour du monde et… mis la France sur la sellette. Laquelle pourrait bien accélérer encore l’adoption de l’IA.

Parmi l’arsenal que compte déployer le ministère de l’Intérieur figure notamment un algorithme surpuissant, utilisé dans la lutte antiterroriste, et supposé pouvoir détecter la menace avant tout passage à l’acte. Ce logiciel truffé d’intelligence artificielle est capable de déceler des personnes qui auraient des comportements numériques anormaux, puis de générer des alertes. 

Les services de sécurité pourraient également s’appuyer sur les travaux de plusieurs start-up qui planchent actuellement sur des dispositifs, eux aussi à grand renfort d’IA. Elles ont été sélectionnées dans le cadre d’un appel à projet « flash » lancé en 2019 par l’Agence nationale de la recherche et le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN). Parmi les champs explorés : l’alerte et l’information aux populations ; la remontée d’alerte par la population ; la gestion des mouvements de foule ; le contrôle et la surveillance de zones réservées. En ayant notamment recours à l’analyse des flux vidéo couvrant les zones publiques, le but est de pouvoir détecter rapidement des situations à risque, pour accélérer les interventions des personnels de sécurité.  

Dans la perspective des JO de Paris 2024, William Eldin, le fondateur de la start-up XXII (spécialisée dans l’analyse des images via l’intelligence artificielle) a signé une tribune dans les Échos datée du 1er juin 2022. Selon lui, impossible désormais pour les opérateurs de se passer des potentialités de cette technologie, face aux enjeux de sécurité qui entourent les grands rendez-vous sportifs à venir. « Un des défis des autorités, ministère de l’Intérieur en tête, sera l’intégration des nouvelles technologies pour assurer la sécurité des personnes et des infrastructures. Dans ce cadre, l’analyse vidéo en temps réel via l’intelligence artificielle est aujourd’hui opérationnelle et mature. Et des solutions 100 % françaises et souveraines existent déjà », estime-t-il. 

Pour William Eldin, « les opérateurs ont besoin d’être “augmentés” par la technologie, tout en conservant la décision finale, notamment pour fluidifier les déplacements de véhicules et de personnes et les accès aux sites, identifier des comportements inhabituels, faire respecter les jauges grâce au comptage de personnes dans les files d’attente, ou encore identifier des actes suspects ».

L’intelligence artificielle n’a sans doute pas fini de gagner du terrain en matière de sécurité et de sûreté. 

Les opérateurs ont besoin d’être “augmentés” par la technologie, tout en conservant la décision finale.

William Eldin, CEO de XXII, les Échos, 1er juin 2022

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