Drones, reconnaissance faciale, intelligence artificielle… Chercheurs et industriels planchent déjà sur les technologies les plus sophistiquées pour faire des Jeux olympiques et paralympiques de Paris en 2024 un événement ultrasécurisé. Des dispositifs du futur qui pourraient, demain, élargir le champ des possibles de la sécurité privée.

L’événement sportif de tous les superlatifs

Coupe du monde de football 1998, Euro 2016, Coupe du monde de rugby à l’horizon 2023… La France a beau être rodée à l’accueil de grands événements sportifs, les Jeux olympiques de 2024 de Paris revêtent une ampleur sans précédent. Jusqu’à 20 millions de spectateurs et spectatrices attendus, 17 000 athlètes, et des moyens inédits dévolus à la sécurité. Les organisateurs ont annoncé en février 2021 l’augmentation du budget de la sécurité de plus de 100 millions d’euros par rapport aux prévisions initiales. 

D’après leurs estimations, pour la seule sécurité des sites de compétition, 22 000 agentes et agents privés seront nécessaires, et entre 7 000 et 10 000 fonctionnaires de police. Et, en appui de cette mobilisation humaine colossale, chercheurs, chercheuses et industriels sont déjà dans les starting-blocks. Objectif : imaginer des solutions technologiques jusqu’alors inexploitées capables de faire face aux menaces et risques de toute nature (en particulier terroristes). Il s’agit principalement d’améliorer la détection d’un incident dès ses prémices, et d’accélérer très sensiblement la réponse opérationnelle.

L’ensemble des solutions technologiques déployées lors des Jeux olympiques et paralympiques 2024 devront avoir été éprouvées en conditions réelles (…) avant.

Quatre thèmes retenus

Dès mars 2019, l’Agence nationale de la recherche (ANR) et le secrétariat général de la Défense et de la Sécurité nationale (SGDSN) lançaient des appels à projets « Flash ».  

Avec un impératif fort : « l’ensemble des solutions technologiques déployées lors des Jeux olympiques et paralympiques 2024 devront avoir été éprouvées en conditions réelles à l’occasion d’au moins un des grands événements politiques ou sportifs qu’accueillera la France avant ». En d’autres termes : ces solutions technologiques doivent préalablement avoir apporté la preuve de leur efficacité. Impossible que les JO servent de test grandeur nature.

Six projets ont finalement été retenus en janvier 2020 autour de 4 thèmes : l’alerte et l’information aux populations ; la remontée d’alerte par la population ; la gestion des mouvements de foule ; le contrôle et la surveillance de zones réservées.    

Sur la voie de la reconnaissance faciale 

Parmi les projets sélectionnés figure EASIMob. Le principe : un système d’identification combinant l’identification biométrique et un code barre 2D sur support physique ou smartphone. EASIMob « permettra l’accès différencié des individus à certaines zones réservées selon le niveau d’accréditation, et de détecter les individus non habilités à circuler dans ces zones ». Au cœur de cette solution : la reconnaissance faciale. 

Malgré plusieurs expérimentations menées en France et retoquées par la Commission nationale informatique et liberté (Cnil) cette technologie controversée, mais de moins en moins taboue, pourrait faire ses débuts aux JO 2024. 

Une technologie basée sur la reconnaissance faciale sera d’ailleurs testée pour la première fois aux JO de Tokyo au cours de l’été 2021. Prévue initialement à des fins sécuritaires, crise sanitaire oblige, elle permettra aussi de contrôler le port des masques de protection anti-COVID.

 Le village olympique pour les JO de Tokyo en 2021.

Des algorithmes pour analyser finement les comportements

Mouvements de foule, comportements anormaux dans une foule dense, détection de bagages abandonnés, déambulation suspecte d’individus… Les algorithmes du projet GIRAFE, lauréat de l’ANR, faciliteraient la supervision de publics regroupés à partir de l’analyse en temps réel de flux vidéo couvrant des zones publiques. Le but est de pouvoir détecter des situations à risque et remonter les alertes au plus vite.

Dans le même esprit, le projet MAASTeR (Mouvements de foule Anticipés et Ajustés à la Situation Terrain Réelle) propose la création d’un outil présenté comme « une aide à la décision à destination des forces de sécurité et opérateurs d’ERP (établissements recevant du public) ». Ainsi, des informations provenant de plusieurs sources (captations vidéo, objets connectés…) sur une situation de terrain sont intégrées à un simulateur. Celui-ci prédirait comment pourrait évoluer l’événement, afin d’anticiper les mouvements de foule. 

Prédiction et détection d’anomalies sont également au cœur du projet OKLOS. Dans ce cas, les algorithmes surentraînés seraient capables d’analyser des informations à partir de caméras visuelles et… thermiques ! Objectif : anticiper les comportements de groupe et les incidents dans les foules.

Le défi de la gestion de l’alerte précoce

Détection rapide puis alerte précoce : l’enjeu est majeur pour, dans le même temps, coordonner la réponse et prévenir les populations. Le projet Cap-4-Multi-Can-Alert  vise à développer une solution d’alerte multicanale innovante en combinant plusieurs technologies (ondes radio, téléphone pair-à-pair, etc.). Objectif : s’assurer de la continuité des alertes en cas de coupure électrique ou de réseau mobile saturé. 

Dans ce même domaine : le projet DISCRET va également faire tourner les algorithmes à plein régime. Son but est de détecter les comportements anormaux sur site en combinant des données issues d’un opérateur de téléphonie et celles de Twitter.  

Toujours plus haut avec les drones 

Les projets soutenus par l’ANR ne représentent pas les seuls leviers d’innovation actionnés dans le cadre des Jeux olympiques et paralympiques de Paris. Des entreprises travaillent parallèlement sur d’autres solutions. 

Par exemple, sept entreprises françaises mettent au point DroneSEA-stem-Protect pour optimiser la sécurisation des sites maritimes. Le système, faisant appel à des drones, devrait être utilisé lors des épreuves olympiques nautiques qui se dérouleront à Marseille. Il est ainsi capable de détecter et de suivre tout objet présent dans l’eau et en surface puis d’en fournir une image précise. Une fois la menace identifiée, le drone peut même intervenir en fonction d’une consigne donnée par un opérateur ou une opératrice en poste de contrôle. C’est dit : le monde de la sécurité privée aura les yeux rivés vers Paris en 2024 à plus d’un titre. 

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