Pourquoi il faut normaliser la sûreté

En France, il n’existe pas de textes clairs permettant aux entreprises et aux établissements de savoir si les mesures de sûreté qu’ils mettent en place sont en adéquation avec le niveau réel des menaces auxquelles ils sont soumis. Une lacune à laquelle il serait nécessaire de remédier par le déploiement d’un système de management de la sûreté.

Contrairement à la sécurité, qui concerne la protection contre les menaces accidentelles, la sûreté, elle, se focalise sur les actes malveillants et délibérés. Une spécificité qui rend les menaces à son encontre particulièrement imprévisibles, et qui légitimerait l’élaboration d’un référentiel qui permettrait à toute entité de se prémunir contre les actes malintentionnés. 

La sûreté, l’art d’anticiper l’imprévisible

Le principe de la sûreté est donc de se protéger des actes volontaires de malveillance perpétrés par des individus malintentionnés. Vol, espionnage industriel, vandalisme… Toute action volontaire susceptible de porter atteinte aux membres, aux biens ou à l’image de l’entreprise relève de la sûreté. 

Toutes ces menaces sont caractérisées par leur intentionnalité, et recèlent donc une dimension humaine. 

Or, par nature, l’intelligence humaine est créative, infiniment inventive ! De quoi rendre difficilement prédictibles les scénarios d’actes malveillants imaginés par des personnes cherchant à porter atteinte à une entreprise. 

« Tout ce qui concerne la sûreté est lié à l’intention de nuire, c’est-à-dire, la plupart du temps, à des phénomènes qui sont imprévisibles, confirme Lilian Laugérat, expert en gestion des risques sûreté et directeur de Solace. Et l’être humain a une capacité extraordinaire à créer de nouveaux scénarios d’actes de malveillance pour atteindre ses objectifs.»

L’être humain a une capacité extraordinaire à créer de nouveaux scénarios d’actes de malveillance pour atteindre ses objectifs.

Lilian Laugérat, expert en gestion des risques sûreté et directeur de Solace.

La nécessité de disposer d’un référentiel 

C’est cette imprévisibilité des menaces qui implique que les entreprises et les organisations de tout bord ont besoin d’être guidées et accompagnées dans la mise en place de mesures de sûreté.

Être expert en la matière, cela ne s’improvise pas. Pour les entités ne disposant pas forcément des compétences nécessaires en interne, il serait primordial de pouvoir s’appuyer sur des principes clairs et établis par des spécialistes. Ce qui, aujourd’hui, n’est pas le cas. 

“Le constat que l’on fait aujourd’hui c’est qu’il n’existe pas de textes clairs qui permettent de savoir si les moyens de protection qui sont mis en place sont en adéquation avec le niveau de risques et de menaces”, déplore Lilian Laugérat. 

Contrairement à la sécurité, qui fait l’objet de normes et de lois diverses, la sécurité n’est pas normalisée. 

Aucune règle, aucune obligation, ni même aucune définition n’est clairement établie en ce qui concerne la mise en place de mesures de protection face à une volonté intentionnelle de nuire. En France, les seules entreprises qui intègrent cette dimension sûreté sont celles qui ont déjà vécu des événements mettant potentiellement en danger la vie de leurs collaborateurs. « D’où la nécessité impérieuse aujourd’hui de mettre en place un vrai référentiel, des vrais standards, une vraie réglementation qui permet à tout propriétaire des risques, à tout responsable, de savoir très rapidement si les moyens de protection qu’il a mis en place sont en adéquation avec le réel niveau de menace qui le concerne », insiste l’expert. 

Une lacune qui peut en partie s’expliquer par un déficit de culture sûreté particulièrement criant dans l’Hexagone.  

Une absence de culture sûreté

De nombreux pays, parfois voisins, ont une approche bien plus éclairée de l’importance de la sûreté. C’est notamment le cas en Grande Bretagne, où la « security culture » est inculquée aux plus jeunes dès l’école. La population est ainsi formée à respecter un ensemble de principes pour se protéger contre toutes les catégories de menaces malveillantes. Résultat ? Une culture sûreté bien plus prégnante, qui explique notamment que l’effet de sidération est souvent moins important chez les Britanniques que chez nous après un attentat.