C’est une des conséquences inattendues de la pandémie de Covid-19. Depuis des mois, les chaînes d’approvisionnement mondiales sont sous tension, dans tous les domaines. Une pénurie mondiale de certaines matières premières et certains composants électroniques affecte tous les secteurs. Et la sécurité n’est pas épargnée. 

Après les confinements successifs à travers le globe, la reprise économique aura surpris tout le monde. Dans la zone euro, après la récession de 6 points en 2020, les autorités européennes tablent désormais sur une croissance de plus de 5 points en 2021, et de 4 points en 2022. Une situation inédite sur le continent, qui était habitué à des taux de croissance proches de 1 %. 

Problème : les mises à l’arrêt forcées des industries lors des confinements ont ralenti la production mondiale de matières premières, et de certains composants. Difficile pour ces producteurs de matières premières de rattraper la demande, en hausse avec la reprise économique. Résultat : les pénuries de matériaux se font ressentir dans de multiples secteurs d’activités. En mai 2021 déjà, la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) avait interrogé plus de 2 000 dirigeantes et dirigeants de TPE et PME françaises. Parmi eux, 28 % disaient subir directement la pénurie de matières premières. Pire : 59 % subissaient déjà les hausses de prix dues à cette raréfaction des matériaux. Et tous les secteurs semblent dans la tourmente, sécurité comprise. 

La sécurité incendie broie du noir

Première victime : la sécurité incendie. La Fédération française des métiers de l’incendie (FFMI) sonnait l’alerte dès juin dans une note enflammée. Selon elle, les prix de l’acier (très utilisé dans les extincteurs, les systèmes d’extinction automatiques ou encore les portes coupe-feu) ont doublé entre 2020 et 2021. Quant à l’aluminium, le plastique, le cuivre, le laiton (en lingot), ils ont eux aussi connu des hausses de prix entre 10 et 40 %. Autant de matières utilisées par les fabricants de dispositifs de sécurité incendie. Et ce n’est pas tout. Le transport même des matières premières connaît des hausses de prix considérables : + 21 % en 2021, selon Bolloré Logistics. En cause toujours : la reprise économique, et la forte demande soudaine en matières premières, qui crée des embouteillages dans les ports du monde entier. Devant le manque de conteneurs disponibles pour transporter cette manne, les factures s’envolent. 

Or, difficile pour ces entreprises de répercuter les hausses de prix sur les distributeurs, qui se sont protégés avec des contrats solides. Les fabricants doivent donc absorber le choc, et réduire drastiquement leurs marges. Pour éviter que ces sociétés se retrouvent en difficulté, le FMI plaide notamment pour l’introduction d’une clause d’indexation sur le prix des matières premières dans les contrats. La négociation promet d’être âpre entre les professionnels du secteur.

Les cartes de la défense rebattues face à la pénurie de semiconducteurs 

Même cause, mêmes effets pour le secteur de la défense. Cette fois-ci, ce sont les semiconducteurs qui sont en cause. Ces puces électroniques sont présentes dans d’innombrables produits high-tech (ordinateurs, téléphones, voitures, montres, objets connectés, etc.), et dans certains équipements de défense comme les drones militaires et les avions. Et eux aussi subissent des pénuries massives, après les fermetures d’usines dues aux confinements, puis la reprise soudaine de la demande. Dans l’industrie automobile par exemple, le cabinet IHS Markit estime que la production mondiale de voitures devrait chuter de 12 % en 2021 à cause de cette pénurie. Cela représente 10 millions de véhicules qui ne pourront pas sortir des lignes de production !

Le monde entier se rend enfin compte de la précarité de la situation.

Pat Gelsinger, CEO d’Intel

Dans l’industrie de la défense, cette crise des semiconducteurs a soudainement jeté une lumière crue sur l’approvisionnement de ces produits fondamentaux. En effet, plus de 50 % de la production mondiale est générée par le taiwanais TSMC. Le reste du marché se partage entre les Coréens (Samsung), les Américains et quelques entreprises européennes (à peine 8 % de part de marché). Or, difficile pour une industrie aussi stratégique que la défense de dépendre d’une seule source d’approvisionnement, surtout en pleine période de tension entre la Chine et les États-Unis autour du sort de Taiwan. « Le monde entier se rend enfin compte de la précarité de cette situation », soulignait ainsi Pat Gelsinger, le dirigeant d’Intel, à Yahoo!

Les tensions autour du statut de Taiwan rebattent les cartes de l’industrie des semiconducteurs.

Pour y remédier, les États multiplient les annonces pour relocaliser la production de semiconducteurs (en particulier ceux utilisés dans la défense). Au Japon, un programme à plus de 320 millions d’euros a été lancé avec Canon, Tokyo Electron et Screen Semiconductor Electron pour produire les précieux semiconducteurs sur le sol nippon. Outre Atlantique, le Pentagone casse également la tirelire avec une enveloppe de près de 30 milliards de dollars. Côté européen, en revanche, les débats font rage. Les différents chefs d’État ne s’accordent pas encore sur la stratégie à adopter : soit continuer à développer une filière de semiconducteurs pour des marchés de niche, ou se lancer dans une production de masse. Affaire à suivre.

La sécurité numérique anticipe le pire 

Troisième secteur fortement concerné par la pénurie mondiale de matières premières : la sécurité numérique. Là encore, le manque de puces électroniques alarme les professionnels. Le groupement d’experts Eurosmart, qui travaille avec la Commission européenne, alerte ainsi sur les risques liés à la pénurie de puces. Certaines d’entre elles sont, en effet, largement utilisées pour sécuriser des opérations numériques, en étant intégrées dans les cartes bancaires, les cartes SIM des téléphones, certains objets connectés et les nouvelles cartes d’identité. Face à la pénurie, les prix grimpent, et les expertes et experts d’Eurosmart craignent (à demi-mot) que les fabricants délaissent ces puces de sécurité. Ceci, pour la plus grande joie des hackers du monde entier, qui profiteraient bientôt d’équipements plus facilement piratables. Plus que jamais, le groupement en appelle donc à la mobilisation des entreprises du secteur pour continuer à renforcer la sécurité de leurs équipements, malgré la pénurie. Un long combat en perspective. 

Lire aussi

Télésurveillance et vidéosurveillance : quelle différence ?

une caméra de vidéoprotection
Sécurité & Sûreté humaine
25 juin 2024

Installer un système de sécurité à son domicile, dans son entreprise ou dans un lieu public permet d’éviter bien des accidents ou de contrecarrer des délits. Parmi les options possibles, il y a la télésurveillance et la vidéosurveillance. Mais quelles sont les différences entre ces deux solutions ? Comment savoir…

En quoi consiste un audit de cybersécurité ?

Technologie & Systèmes
11 juin 2024

À l’heure où les cyberattaques se perfectionnent et gagnent en fréquence, la sécurisation des systèmes informatiques s’impose comme une priorité absolue pour toutes les entreprises. Chaque vulnérabilité représente une menace, et une seule faille peut ouvrir la porte à des conséquences désastreuses. C’est dans ce contexte qu’interviennent les audits de…

Comment concilier cybersécurité et sobriété numérique ?

Technologie & Systèmes
13 février 2024

Confrontées à un univers cyber toujours plus menaçant, les entreprises doivent, dans le même temps, veiller à réduire l’empreinte environnementale engendrée par leurs activités et équipements numériques. La cybersécurité des entreprises peut-elle concilier efficacité et écoresponsabilité ? Les entreprises à la croisée des enjeux de sécurité et de préservation de…