Dans certains pays, en particulier dans l’hémisphère sud et aux Etats-Unis, le nombre d’agents de sécurité privée dépasse de loin celui des forces de l’ordre. Une situation qui contribuerait notamment à creuser les inégalités, mais pas seulement. Explications.

Ces pays séduits par la sécurité privée

Ils seraient une quarantaine dans le monde. La particularité de ces pays ? Détenir davantage d’agents de sécurité privée que de forces de l’ordre publiques. Une tendance marquée aux États-Unis, en Asie et en Afrique du Sud. 

Ainsi, l’Inde compte 7 millions d’employées et employés de sécurité privée contre 1,4 million d’officiers de police. C’est d’ailleurs le différentiel le plus important au monde. 

En Chine, le ratio est de 5 millions d’employés de sécurité privée contre 2,7 millions d’officiers de police. Les US, eux, comptabilisent 1,1 million d’employés de sécurité privée versus 666 000 officiers de police. En Afrique du Sud, 565 000 agents de sécurité de privée sont en exercice, contre 145 000 officiers de police employés par le South African Police Service. Près de quatre fois plus !

Les chiffres sont également « favorables » à la sécurité privée au Canada, en Australie et au Royaume-Uni. 

En revanche, en France, les proportions sont inversées : on dénombre plus de policiers et de gendarmes que d’agents de sécurité privée (près de 40% de plus). 

Un glissement vers la sécurité privée pour certaines missions 

Des villes n’hésitent pas à faire progressivement glisser certaines prérogatives dévolues à leur police vers des sociétés privées, mais aussi à intégrer des agents de sécurité privée, directement dans leurs rangs. Une tendance notable depuis 2020. C’est le cas de Portland (aux États-Unis), de Londres, de Glasgow ou de Melbourne.

Quant à New York, la ville fait de plus en plus appel à des agents de sécurité privée pour des missions de sécurisation. Les dirigeantes et dirigeants de Chicago ont investi récemment 1 million de dollars pour s’allouer les services de trois entreprises qui patrouillent dans des quartiers résidentiels. L’université du Minnesota ne se tourne plus que vers des entreprises de sécurité privée, plutôt que vers la police, pour sécuriser ses matchs de foot. Idem pour l’université de Washington qui ne fait plus appel à la police de Seattle. 

Aux États-Unis, le secteur privé peut également être amené à remplacer des policières et policiers municipaux en congé, sécuriser des universités, gérer des prisons ou encore des centres de détention pour les migrants.

Dans d’autres pays, comme l’Afrique du Sud, touchée de plein fouet par une violence endémique, la demande pour la sécurité privée explose également. Objectifs : mieux protéger les résidences contre les intrusions et les vols, mais aussi garantir une protection individuelle contre les attaques violentes et les kidnappings. 

Un engouement et des écueils

Pour certains parmi les observateurs et observatrices, cet engouement pour la sécurité privée questionne. Elle présenterait ainsi le risque de creuser les inégalités dans certains pays, là où les classes aisées ont les moyens de payer pour leur propre sécurité. Les États jouent-ils pleinement leur rôle si des groupes sociaux n’ont pas un accès égal à la protection ? Ces États ne risquent-ils pas d’affaiblir la force publique, et pas conséquent leur légitimité ?

En septembre 2020, Paul Goldenberg, membre du département américain de la Sécurité intérieure, et Michael Gips, avocat et journaliste, ont publié une tribune dans un journal texan. Ils pointent un autre écueil : celui de ne pas garantir un niveau de protection des populations suffisant et équivalent à celui de la police. Remplacer la police par des agents de sécurité privée, c’est placer ces derniers, souvent moins expérimentés et moins bien formés, en première ligne devant des églises, des écoles, des stades. 

La position prise récemment par l’Afrique du Sud apporte un éclairage sur un autre risque possible : la menace qui pourrait peser sur la souveraineté des États. Dans son Private Security Industry Regulation Amendment Act (la loi de régulation du secteur de la sécurité privée) adopté en octobre 2021, le pays oblige les entreprises de sécurité privée à être détenues à 51% par des Sud-Africains. Un chiffre que les autorités se laissent la liberté d’augmenter si la sécurité du pays l’exige. Pour elles, il s’agit d’une mesure visant à protéger la sécurité nationale, face à la potentielle mainmise de pays étrangers présents sur son sol via ces entreprises. Signe que certains États s’inquiètent face à la montée en puissance de la sécurité privée.

L’Inde compte 7 millions d’employés de sécurité privée versus 1,4 million d’officiers de police : le différentiel le plus important au monde.

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