Dans un environnement économique et social en constante évolution, aucune organisation n’est aujourd’hui à l’abri d’une situation de crise. Catastrophes naturelles, crises sanitaires, cyberattaques, scandales médiatiques ou accidents industriels : les menaces sont multiples et leurs conséquences potentiellement dévastatrices pour les entreprises comme pour les institutions. Afin de limiter au mieux les dommages potentiels de tels phénomènes, il convient de s’y préparer. Comment anticiper une crise ?

La crise, un événement par nature imprévisible…

« Il est tout à fait possible de prévoir un scénario de gestion des risques. En revanche, prédire une situation de crise est un tout autre défi », explique Lilian Laugérat, expert en gestion des risques sûreté et directeur de Solace, cabinet de conseil spécialisé dans la gestion de crise. En effet, une crise peut être définie comme un événement soudain et inattendu qui menace la stabilité, les opérations et la réputation d’une organisation. Elle se caractérise par une forte pression temporelle, un niveau élevé d’incertitude et des enjeux considérables pour l’ensemble des parties prenantes. Plus qu’un simple incident, la crise représente une rupture dans le fonctionnement normal d’une organisation, et nécessite une réponse immédiate et coordonnée.

…qu’il est indispensable d’essayer d’anticiper

Si les crises sont par nature imprévisibles dans leur survenance exacte, il est néanmoins possible et essentiel de s’y préparer. L’anticipation constitue un facteur clé de résilience organisationnelle et permet de limiter significativement les impacts négatifs lorsque survient l’imprévu. Les organisations qui investissent dans leur préparation pour faire face aux crises démontrent généralement une meilleure capacité à préserver leur réputation, à maintenir leurs activités critiques et à protéger leurs collaborateurs en situation d’urgence.

Identifier et analyser les risques potentiels pour mieux s’y préparer

La première étape d’une démarche efficace de préparation aux crises consiste à identifier méthodiquement les menaces potentielles qui pèsent sur l’organisation. Pour ce faire, les organisations peuvent procéder à une cartographie des risques ou recourir à l’analyse prédictive. 

Réaliser une cartographie des risques pour les identifier

Cette démarche fondamentale vise à recenser l’ensemble des vulnérabilités et des menaces auxquelles l’organisation pourrait être confrontée. Elle doit couvrir un large spectre de risques : 

  • Industriels (accidents, défaillances techniques), 
  • Environnementaux (catastrophes naturelles, pollution), 
  • Sanitaires (épidémies, contaminations), 
  • Sociaux (mouvements sociaux, actes malveillants), 
  • Informatiques (cyberattaques, pannes majeures), 
  • Juridiques (contentieux, non-conformité réglementaire),
  • Réputationnels (bad buzz, crise médiatique).

La cartographie des risques doit être spécifique à chaque organisation, prenant en compte ses particularités sectorielles, son implantation géographique et sa structure opérationnelle. Elle doit également être régulièrement mise à jour pour intégrer l’évolution des menaces et des vulnérabilités.

La cartographie des risques doit être régulièrement mise à jour pour intégrer l’évolution des menaces et des vulnérabilités.

Recourir à l’analyse prédictive pour anticiper la survenance des risques

Une fois les risques identifiés, il convient d’évaluer leur probabilité d’occurrence et leur impact potentiel sur l’organisation. Pour cela, il est possible de mobiliser des outils d’analyse prédictive. Leur fonctionnement repose sur la compilation et le traitement d’un très grand nombre de données issues d’événements survenus antérieurement, dans le but d’identifier des signaux annonciateurs de crise.

Ce processus permet de hiérarchiser les risques selon une matrice combinant probabilité et gravité, afin d’orienter efficacement les ressources disponibles vers la lutte contre les menaces les plus critiques.

La PARS (Plateforme d’Analyse des Risques Sûreté), par exemple, développée par le cabinet de conseils spécialisé dans les domaines de la sûreté et de la gestion de crise SOLACE, est un outil de cotation des risques sûreté qui permet de : 

  • Mesurer l’attractivité des cibles d’actes de malveillance,
  • Évaluer les éléments de contexte,
  • Connaître la potentialité des scénarios de malveillance pouvant affecter le site ou l’activité,
  • Réaliser une analyse des impacts par scénarios et par cibles,
  • Déterminer le niveau brut du risque,
  • Appliquer les standards de protection en fonction du niveau de menace retenu
  • Déterminer le niveau de risque résiduel après la mise en place des moyens de protection. 

L’analyse prédictive ne se limite pas à un exercice ponctuel, mais doit s’inscrire dans une démarche de veille permanente permettant de détecter les évolutions susceptibles d’aggraver ou de modifier les risques courus par l’organisation. 

Enfin, il convient de garder en tête que, si elle est très utile, elle ne peut toutefois garantir une totale fiabilité. Comme mentionné précédemment, les crises sont par nature imprévisibles, et il est impossible de prédire avec précision quand se manifestera une situation critique. 

L’indispensable élaboration d’un plan de gestion de crise

S’il est ainsi difficile de prédire une crise avec certitude, il est en revanche possible de prévoir les protocoles à déployer lorsqu’elle surviendra. Il est essentiel pour l’organisation d’élaborer un plan de gestion de crise structuré et opérationnel. Ce plan repose notamment sur trois étapes principales.

La constitution d’une cellule de crise

Cette équipe pluridisciplinaire rassemble les compétences requises pour faire face efficacement à une situation d’urgence. Elle doit inclure des représentants de la direction générale, de la communication, des ressources humaines, des services juridiques et des fonctions opérationnelles clés. Chaque membre doit avoir un rôle clairement défini et des responsabilités précises.

La cellule de crise doit disposer d’une autorité décisionnelle suffisante pour agir rapidement sans devoir remonter systématiquement la chaîne hiérarchique traditionnelle. Il est également crucial de désigner des suppléants pour chaque fonction, afin d’assurer la continuité du dispositif en toutes circonstances.

Le développement de scénarios

Pour chaque risque majeur identifié, il est recommandé d’élaborer des scénarios de crise détaillés décrivant la séquence possible des événements et les réponses appropriées. Ces scénarios constituent de véritables guides d’action qui permettront de gagner un temps précieux lorsque surviendra la crise.

Les scénarios doivent couvrir différentes temporalités (phase aiguë, phase de stabilisation, phase de retour à la normale) et envisager plusieurs évolutions possibles de la situation initiale. Ils doivent également identifier les ressources nécessaires et les parties prenantes à mobiliser pour chaque type de crise.

La mise en place de protocoles de communication

La communication représente souvent l’élément le plus critique dans la gestion d’une crise. L’organisation doit définir en amont des protocoles clairs pour la communication interne (vers les collaborateurs) et externe (vers les médias, clients, fournisseurs, autorités).

Ces protocoles doivent préciser qui est habilité à s’exprimer au nom de l’organisation, selon quelles modalités et avec quels messages-clés. Il est également judicieux de préparer des modèles de communiqués adaptables à différents scénarios, ainsi qu’une stratégie dédiée pour les réseaux sociaux, devenus incontournables en situation de crise.

Préparation opérationnelle et formation

Un plan de gestion de crise n’a de valeur que s’il peut être mis en œuvre efficacement par des équipes préparées et formées.

La mise en situation régulière de la cellule de crise est indispensable pour tester la robustesse du dispositif et développer les réflexes appropriés. Ces exercices peuvent prendre différentes formes : simulations sur table, jeux de rôle, exercices grandeur nature impliquant l’ensemble de l’organisation…

Ces simulations doivent être suffisamment réalistes pour confronter les participants à la pression et à l’incertitude caractéristiques des situations de crise. Chaque exercice doit être suivi d’un débriefing approfondi permettant d’identifier les points forts et les axes d’amélioration du dispositif.

Au-delà des membres de la cellule de crise, l’ensemble du personnel doit être sensibilisé et formé aux procédures d’urgence. Chaque collaborateur doit connaître son rôle en cas de crise, les réflexes à adopter et les canaux de communication à utiliser.

Cette formation doit être régulièrement renouvelée pour maintenir un niveau élevé de préparation et intégrer les nouveaux collaborateurs. Elle peut s’appuyer sur divers supports (sessions présentielles, e-learning, guides pratiques) adaptés aux différents profils de l’organisation.

Vers une culture de la résilience

La préparation aux situations de crise ne doit pas être perçue comme une contrainte mais comme un élément structurant de la stratégie organisationnelle.

Chaque crise, qu’elle soit majeure ou mineure, représente une opportunité d’apprentissage. Un retour d’expérience structuré doit être systématiquement mené pour analyser ce qui a fonctionné et ce qui aurait pu être amélioré. Ces enseignements doivent ensuite être intégrés dans les plans et procédures existants, dans une logique d’amélioration continue.

L’analyse des crises passées, qu’elles aient touché directement l’organisation ou d’autres acteurs du même secteur, constitue une source précieuse d’enseignements pour renforcer la préparation future.

Au-delà des outils et des procédures, la véritable préparation aux crises repose sur l’adoption d’une culture organisationnelle proactive face aux risques. Cette culture se caractérise par une vigilance partagée, une communication transparente sur les vulnérabilités et une valorisation de la remontée d’information.

Les dirigeants ont un rôle déterminant dans la promotion de cette culture, à travers leur exemplarité et leur engagement visible. Dans les organisations les plus matures, la préparation aux crises n’est pas considérée comme une fonction périphérique mais comme une compétence stratégique intégrée à tous les niveaux de décision.

En définitive, se préparer à affronter une situation de crise constitue un investissement essentiel pour toute organisation soucieuse de sa pérennité. Dans un monde de plus en plus volatile et incertain, la capacité à anticiper les menaces et à y répondre efficacement est devenue un facteur clé de succès et de résilience.

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