La plateforme d’information « Rendre Notre Monde + Sûr », dédiée aux grands enjeux de la sûreté et de la sécurité, a été lancée en janvier 2018, à l’initiative de la société GORON. Cette première année d’existence est l’occasion de faire le point sur la raison d’être de cette plateforme. Lilian LAUGERAT, expert en gestion des risques sûreté, en profite pour revenir sur une question essentielle : comment rendre notre monde plus sûr ?

Dans « Rendre Notre Monde + Sûr », l’adjectif « sûr » nous ramène nécessairement à la notion de sûreté. Dans l’univers de la gestion des risques, la sûreté vise à prévenir les actes intentionnels de malveillance et à se prémunir de leurs conséquences : braquage, vol, détérioration, cyberattaque, voire attentat terroriste.

Thématique de premier plan, la diffusion d’une culture sûreté dans les entreprises françaises est pourtant encore très laborieuse. En effet, avant toute chose, très peu de gens connaissent la différence entre la sûreté et la sécurité. Par ailleurs, les mesures de sûreté mises en place au sein d’une entreprise sont souvent considérées comme une entrave à la liberté ou comme un poste de coût inutile ou du moins surévalué, au regard de la faible probabilité que les scénarii envisagés ne se réalisent véritablement. D’ailleurs, le scénario de risque souvent considéré comme le plus probable par un chef d’entreprise – qui est juridiquement le propriétaire des risques – est celui de l’intrusion. Or, l’intrusion n’est pas un scénario de malveillance en tant que tel, mais un mode opératoire utilisé par des malveillants dans le but d’atteindre leur cible. Le plus problématique reste enfin qu’il n’y a en France aucune norme qui réglemente la mise en place de standards de protection de sûreté au sein des entreprises.

La sûreté peine donc à se faire une place au sein des entreprises françaises. A défaut de pouvoir s’appuyer sur des standards de protection normés, les entreprises s’inspirent de leurs propres expériences, notamment des scénarii de malveillance déjà éprouvés par le passé. Une autre option consiste à s’appuyer sur des normes étrangères. Enfin, la troisième façon de se protéger consiste pour les entreprises à colmater les brèches causées par l’évolution brutale des actes de malveillances  et l’incompatibilité des moyens de protection existants face à ces attaques.

Construire un modèle de sûreté à la française

Cette approche « au doigt mouillé » ne suffit plus. Le véritable défi consiste aujourd’hui à construire collectivement une sûreté à la française, utile et pertinente, et que celle-ci devienne à terme, un point de référence reconnu.

Le véritable défi consiste aujourd’hui à construire collectivement une sûreté à la française, utile et pertinente, et que celle-ci devienne à terme, un point de référence reconnu.

Trois conditions sont indispensables à l’émergence d’une telle filière :

  • Il s’agit en premier lieu de légitimer les métiers de la sûreté par le biais d’un parcours professionnel reconnu et adapté à la réalité des menaces actuelles et futures. En effet, face à un monde de plus en plus “volatile, incertain, complexe et ambigu” – termes qui recouvrent une théorie militaire puis économique utilisée pour décrire les environnements difficiles dans lesquels évoluent, notamment, les entreprises – la création d’une branche métier dédiée à la sûreté des entreprises devient aujourd’hui indispensable.
  • Il faut ensuite mettre en place une culture de la sûreté non seulement au sein des entreprises, mais plus généralement au sein de l’ensemble de la société. Chaque collaborateur, chaque citoyen devrait maîtriser les éléments nécessaires à la compréhension et à l’application d’une démarche commune de sûreté.
  • Enfin, il est crucial d’apporter une reconnaissance aux acteurs de la sûreté en entreprise : des agents de surveillance et de contrôle, jusqu’aux managers et directions chargées de la thématique sûreté. Ce sentiment d’utilité est d’autant plus important dans un monde où la malveillance se développe et s’organise sous diverses formes et à grande vitesse.

Il est crucial d’apporter une reconnaissance aux acteurs de la sûreté en entreprise : des agents de surveillance et de contrôle, jusqu’aux managers et directions chargées de la thématique sûreté.

Une école unique de la sûreté ?

Attachons-nous à la première de ces trois conditions. Construire un modèle de sûreté français fiable et viable dans le temps, passe nécessairement par la mise en place de formations visant à délivrer les compétences attendues. Cette filière métier intelligemment étagée pourrait donner à n’importe quel acteur, la possibilité de construire une carrière et un horizon professionnel.

Pour réussir cette démarche, il convient dès maintenant de travailler sur les trois phases suivantes :

La première phase consiste à mettre en place une norme sûreté française, d’y attacher des standards de protection adaptés et de construire des référentiels permettant de contrôler leur bonne application. En effet, sans définition exacte, il est difficile d’installer une norme et des standards applicables par tous.

La deuxième phase consiste à mettre en place une méthode d’analyse des risques qui intègre la dynamique de la malveillance. Cette méthode doit donner de manière permanente et précise le niveau de risques auquel une organisation, de la plus simple à la plus complexe, peut être confrontée. La détermination de ce niveau de risque permettrait ainsi de déployer les standards de protection associés et de contrôler leur bonne application. Mais la mise en place de cet ensemble n’est pas innée. Elle s’apprend selon un parcours logique, intégrant les attendus en termes d’analyse, de management et de contrôle.

Enfin, l’ensemble de ce système normatif ne sera effectif qu’avec la mise en place d’une école unique de la sûreté. C’est la dernière phase qui consiste à construire des cycles de formation permettant d’appliquer et de diffuser les éléments définis dans les deux premières phases. Cette école des métiers de la sûreté devrait s’attacher à former les niveaux complémentaires suivants :

  • L’analyste sûreté : cette formation est la fondation de la démarche sûreté. Elle permet de réaliser une analyse sûreté digne de ce nom consistant à déterminer, à partir de faits confirmés, le niveau de risques d’une activité.
  • Le manager sûreté : véritable courroie de liaison entre la réalité du terrain et le propriétaire des risques, le manager sûreté est en charge de la vérification quotidienne du fonctionnement et de l’adéquation des moyens de protection avec le niveau de risques.
  • L’auditeur sûreté : un audit ne peut exister et ne peut être réalisé que si des standards et des normes existent. Former de véritables auditeurs sûreté représente aujourd’hui un réel défi en France. Cet indicateur est essentiel pour le propriétaire des risques. Il permet de s’assurer de l’adéquation de sa réponse organisationnelle et opérationnelle face à son niveau de risques.
  • L’expert en sûreté : ce dernier niveau permet, au sein des directions, de posséder un socle d’expertise reconnue et ainsi d’installer la politique de sûreté adaptée aux caractéristiques et au périmètre de l’activité de l’organisation.

Lilian Laugerat

Président de Solace

Lilian LAUGERAT dirige le cabinet de conseils SOLACE spécialisé dans l'analyse des risques sûreté et la posture de gestion de crise.

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