En 2020, Rendre notre monde + sûr part en voyage pour explorer la gestion de la sécurité privée chez nos voisins européens. Première étape : Madrid. Souvent citée en exemple pour son système de sécurité privée, l’Espagne bénéficie d’une réelle complémentarité entre les forces publiques et privées. Mais les choses sont-elles vraiment tout roses ? « L’Espagne a probablement 20 ans d’avance sur la France en matière de relations entre l’État et la sécurité privée », affirmait en 2012 un rapport de Jean-Louis Blanchou, alors, délégué interministériel à la sécurité privée. « Elle possède un des meilleurs systèmes [de sécurité privée] d’Europe », confirmait un autre rapport du gouvernement turc. Le monde entier semble s’accorder sur la qualité de la gestion de la sécurité privée de nos voisins espagnols. Pour la péninsule ibérique, tout a commencé au début des années 1990. Jeune démocratie, l’Espagne faisait alors face à une absence totale de régulation de la sécurité privée. Des agents privés armés et non contrôlés, de nouvelles infrastructures à protéger avec le développement économique (usines, centrales électriques, etc.)… il était temps de réguler un secteur naissant dans ce pays tout juste sorti de la dictature. Ce sera chose faite avec une série de textes de loi promulgués entre 1992 et 1994. À cette époque, le législateur espagnol a eu à cœur de placer la sécurité privée au même rang que la force publique. Le secteur privé est ainsi défini d’emblée comme une « activité professionnelle régulée et suivie par l’État », ce qui n’est pas aussi clair dans le droit français. Le ministère de l’Intérieur aux manettes de la sécurité privée Cette définition a de multiples conséquences sur la collaboration entre les entreprises privées et l’État. C’est ainsi tout le secteur qui est régulé par le ministère de l’Intérieur, jusque dans les moindres détails. Formation, examen, recyclage et même couleur des uniformes… les instances publiques prennent en main un grand nombre des prérogatives qui sont dévolues directement au secteur privé en France. Ainsi, outre-Pyrénées, les futurs agents privés doivent suivre une formation très étroitement contrôlée par la police nationale. Les examens sont pris en charge par cette même force publique. Quant aux services de sécurité internes aux entreprises, ils sont tout simplement interdits. Seules des prestataires privés sont habilités à assurer la sécurité des lieux privés. Côté armement aussi, l’État espagnol marque le secteur de son sceau en délimitant des règles précises. Alors que plus de 30 000 agents sont armés – c’est trois fois plus qu’en France –, des exercices de tir annuels sont obligatoires pour garder la licence. Cette mainmise de l’État favorise cependant une certaine concentration du secteur : les cinq plus grandes sociétés de sécurité privée représentent, à elles seules plus de la moitié du chiffre d’affaires du marché (contre un tiers en France). Le ministère de l’Intérieur espagnol possède, en effet, d’innombrables critères drastiques avant de délivrer des agréments. À tel point que la Commission européenne a déjà condamné le pays (en 1999 et 2008) pour l’obliger à ouvrir un marché de la sécurité privée trop corseté. L’Espagne dit “si” au continuum de sécurité Malgré – ou peut-être grâce à – la mainmise de l’État, le pays de Cervantes reste un modèle en matière de continuum de sécurité. Formé aux côtés des policiers, les agents de sécurité privée sont sensibilisés dès leur début de carrière à une bonne collaboration avec le public. Et vice versa. Par exemple, l’Espagne dispose d’un centre d’appels dédiés aux agents privés. Ces derniers peuvent alerter leurs homologues publics ou connaître la procédure à suivre en fonction des faits auxquels ils sont confrontés. De façon plus globale, l’État organise également plusieurs programmes opérationnels qui mêlent les forces de l’ordre et les entreprises privées. C’est le cas du programme « Connecta » qui aide la police à se connecter aux bases de données des organismes privées (images de télésurveillance notamment). Le revers de la médaille Si cette collaboration public-privé fait des jaloux en Europe, elle possède forcément un côté obscur. Ainsi, le secteur fait face à un vrai problème de contrats non déclarés avec des agents non formés. C’est particulièrement le cas dans le milieu de la nuit. Craignant que certains de leurs agissements ou ceux de leurs clients soient dénoncés par des agents privés, les boîtes de nuit préfèrent embaucher un personnel non qualifié (et donc non formé par la police). Même en Espagne, le chemin semble encore long. Facebook Twitter LinkedIn
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