En quelques d’années seulement, les capacités des caméras de vidéosurveillance ont fait des pas de géant. Grâce à la puissance d’analyse de leurs algorithmes d’intelligence artificielle, il est désormais possible de détecter et de caractériser rapidement un objet et toute situation anormale. Conséquence : l’utilisation de la vidéosurveillance intelligente explose. Au point que la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés) a lancé une consultation publique sur le sujet.

Avec l’IA, toujours plus loin dans l’analyse des images

Les éditeurs de VMS (vidéo management system) ont saisi tout le potentiel de l’Intelligence artificielle (IA) appliquée à la vidéosurveillance. Plus besoin pour les opérateurs de passer des heures à visionner des images, dans l’espoir d’y trouver quelque chose d’exploitable. Tout l’enjeu de l’intelligence embarquée est là : extraire automatiquement et efficacement certaines données, mais aussi devenir une alliée de la supervision en temps réel. 

Comment ? En préqualifiant certaines informations. Les algorithmes des caméras intelligentes sont désormais capables de classifier un « objet » : un véhicule ou un deux roues dans une zone non autorisée, une personne qui tente une intrusion, un colis abandonné… Désormais, une situation anormale est détectable. Bienvenue dans l’ère de la proactivité !

Les cas d’usage vont au-delà du champ de la sécurité

Si les caméras intelligentes embarquent des capacités d’analyse toujours plus sophistiquées pour la sécurité des entreprises, leur utilisation ne se limite plus uniquement à ce domaine. 

Dans les lieux publics par exemple, les caméras intelligentes analysent aussi des flux de circulation, la congestion du trafic, ou encore la fréquentation d’un site. Plus étonnant encore, elles peuvent détecter la présence de déjections canines sur la voie publique, d’encombrants et de détritus, ou des stationnements non autorisés (sur les voies de bus, des zones de travaux, des pistes cyclables, etc.).

Afin d’améliorer leurs interventions, les collectivités, particulièrement ciblées, sont de plus en plus intéressées par ces marchés. Ces services dessinent en partie les contours de la smart city : une ville intelligente dont le but est d’améliorer le cadre de vie des citadins.

Déploiement des caméras intelligentes : la CNIL veille au grain

Le marché de la vidéo « augmentée » est un marché mondial en croissance rapide, de quelque 7 % par an. En 2020, ce dernier est estimé à 11 milliards de dollars.

Ce développement tous azimuts des caméras intelligentes n’a pas échappé à la CNIL (Commission nationale de l’informatique et des libertés). Au point qu’elle a lancé un appel à contributions du 14 janvier au 11 mars 2022, dans l’optique d’affiner sa position sur le sujet et « d’accompagner leur déploiement dans le respect des droits des personnes ». 

Avec cette consultation publique, la CNIL souhaite notamment « mobiliser l’ensemble des acteurs de la vidéo “augmentée” autour des enjeux de protection des droits et libertés fondamentaux et permettre à tous (citoyens, administrés, consommateurs […]…) de lui faire part de leur positionnement vis-à-vis de cette technologie”.

Le projet de position de la CNIL ne concerne que les dispositifs, fixes ou mobiles, déployés dans les espaces publics : voies publiques, lieux et établissements ouverts au public. Elle exclut le sujet, ô combien épineux, des dispositifs de reconnaissance biométrique, dont la reconnaissance faciale, interdite en France, mais faisant régulièrement l’objet d’expérimentations. Certaines ont déjà d’ailleurs été retoquées par la CNIL et la justice.

La CNIL se fixe trois objectifs : 

  • Définir ce que recouvre précisément le terme de vidéo augmentée et ses usages potentiels, afin d’en appréhender les risques.
  • Évaluer les risques, afin d’établir les garanties nécessaires et poser des limites à certains usages de ces dispositifs.
  • Soumettre à consultation une interprétation du cadre juridique applicable à ces dispositifs en fonction de leurs objectifs, de leurs conditions de mise en œuvre et des risques qu’ils impliquent.

Le cadre du RGPD s’applique… en attendant une nouvelle réglementation ? 

Dans son projet de position, la CNIL estime nécessaire « d’établir collectivement certaines lignes rouges à ne pas franchir ». 

Pour l’heure, afin d’être conformes, les dispositifs de vidéosurveillance augmentée ont l’obligation de s’inscrire dans le cadre strict du RGPD ainsi que dans la loi Informatique et Libertés. Ils ne doivent donc pas stocker de données personnelles des individus, ni permettre de les identifier.

Mais le champ d’utilisation de certains algorithmes, comme ceux étant en mesure de détecter des comportements « suspects » ou potentiellement « infractionnels » des personnes, interroge la CNIL. Selon elle, ils pourraient faire peser un risque accru sur les libertés fondamentales : droit à la vie privée, liberté d’aller et venir, de se réunir et de manifester, etc.

La CNIL n’écarte d’ailleurs pas l’hypothèse d’une nouvelle loi adaptée aux caractéristiques techniques des caméras intelligentes et aux nouveaux enjeux qu’elles soulèvent, en termes de protection des droits des citoyens.

Dans le même temps, la Commission européenne planche depuis le printemps 2021 sur un projet de règlement sur l’intelligence artificielle, l’Artificial Intelligence Act (AIA), afin d’encadrer les pratiques dans l’ensemble de ses champs d’application.

En matière de vidéo intelligente, les lignes pourraient donc encore bouger. À suivre.

Le marché de la vidéo “augmentée” est un marché mondial en croissance rapide, de quelque 7 % par an et estimé à 11 milliards de dollars en 2020.  

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